Les fumeurs sont-ils moins touchés par le coronavirus ?
Depuis l’apparition du covid-19, plusieurs études sont en cours afin de mieux comprendre ce virus jusque-là inconnu. Au cours de cette avancée constante dans la connaissance du nouveau coronavirus, une découverte a interpellé les médecins : la proportion de patients fumeurs hospitalisés est faible comparé au taux de fumeurs habituel dans ces pays. Alors que les chercheurs mettent en garde en rappelant que la cigarette ne représente en aucun cas une solution thérapeutique, BFM TV fait le point sur cette observation surprenante.
Les dangers du tabagisme ne sont plus à démontrer. A l’origine de nombreuses maladies potentiellement mortelles, le tabac est par exemple le premier facteur de risque de cancer du poumon et de la vessie. Il semblerait toutefois que le faible taux de fumeurs parmi les patients atteints du covid-19 pourrait laisser croire que la nicotine présente dans le tabac puisse avoir un « effet protecteur contre le coronavirus ». Une théorie à considérer avec prudence compte tenu des données limitées disponibles sur le sujet.
Le tabac : une barrière contre le covid-19 ?
C’est en tout cas ce que suggèrent des données chinoises et américaines. Dans une étude menée aux Etats-Unis auprès de plus de 7000 personnes atteintes du nouveau coronavirus, il a été constaté que seul 1,3% des patients étaient fumeurs. Le Pr Bertrand Dautzenberg, pneumologue et tabacologue, explique à BFM TV que ce taux est « dix fois moins que le taux de fumeurs de cigarettes en 2018 ». Les études chinoises ont quant à elles révélé que seulement 12,6% des patients infectés étaient fumeurs, un taux cinq fois moins qu’attendu, écrit le président de Paris Sans Tabac sur son compte Twitter.
fantastiques données qui embêtent le tabacologue que je suis, mais dans 2 études de qualité trouvent 5 < moins Covid19 qu’attendus chez fumeurs chinois et 10 fois moins chez fumeurs US. Rappelons cependant que tabac fait 200 morts par jour .Analyse et recherche urgentissimes. pic.twitter.com/0vdqkMwwq8
— Pr . B Dautzenberg (@parissanstabac) April 2, 2020
Des chiffres qui intriguent les scientifiques mais que le Pr Dautzenberg préfère tempérer. En émettant des réserves, le tabacologue rappelle que des études plus poussées sont nécessaire pour expliquer ces observations. Puis d’ajouter : « On attend la publication de données exactes (…) Est-ce que c’est la fumée, est-ce que c’est la nicotine ? On ne sait pas pour le moment, plusieurs études sont en cours pour tenter de mieux comprendre ce phénomène ». Pour cause, il existe pour l’heure très peu de données scientifiques qui permettrait de confirmer avec certitude ce constat.
« Il faut rester très prudent »
Marion Adler, médecin tabacologue à l’hôpital Antoine Béclère de Clamart, appelle également à la prudence. Dans un entretien avec nos confrères de France info, elle rappelle qu’il n’existe que « quelques études chinoises et quelques études américaines » et qu’il faut donc « rester très prudent ». Elle avance également que ces effets seraient probablement dus à la nicotine présente dans le tabac et non pas à la fumée de celui-ci, une piste à explorer selon Marion Adler. Et d’ajouter : « La nicotine peut aider tous les fumeurs et en particulier en ce moment à arrêter de fumer sans souffrir, sans difficultés ».
Bertrand Dautzenberg prévient toutefois qu’il ne faut surtout pas consommer de substances nicotiniques dans un but de prévention contre le covid-19. « Il n’y a aucun début d’argument pour commencer à prendre de la nicotine » qui rappelons-le est une substance hautement addictive et « toxique chez les non-fumeurs », martèle l’ancien pneumologue à la Pitié Salpêtrière à Paris.
En somme, si des études sont nécessaires pour attester de l’effet « protecteur » de la nicotine contre le nouveau coronavirus, le Pr Dautzenberg rappelle que « la cigarette n’est pas une solution thérapeutique ». Il poursuit en expliquant à LCI que même si les études venaient à confirmer ce supposé bienfait « le rapport bénéfice risque plaide massivement en faveur du risque ». La cigarette fait 200 morts par jour en France, l’utiliser pour ses effets potentiellement protecteurs contre le virus serait pour lui comme « soigner une grippe en se tirant des coups de feu dans le poumon ».