COVID-19 : Mais où sont passés les lanceurs d’alertes chinois ?
Contre vents et marées, ils ont tenu à avertir l’opinion publique d’une menace : celle de la pandémie de Covid-19. Et à raison puisqu’aujourd’hui le nouveau coronavirus a déferlé sur le monde entier, faisant plus d’1,7 millions de victimes. Deux de ces lanceurs d’alerte ont notamment été portés disparus. Ces citoyens ont eu le courage d’affronter la censure qui règne dans l’Empire du Milieu. Ils nous laissent désormais interpellés par une terrible interrogation : « où sont-ils passés ». Réponses avec nos confrères de l’Independant.
Pendant plusieurs mois, les journalistes citoyens chinois Chen Qiushi et Fang Bin ont inquiété par leur disparition. A tel point que certains se demandent s’ils sont encore en vie. Leur tort : avoir révélé la crise sanitaire qui s’est transformée en une véritable pandémie. Interrogé par nos confrères du Parisien en avril, Pierre Haski, président de Reporters Sans Frontières (RSF) était formel. « La seule certitude qu’on ait, c’est qu’ils sont aux mains des autorités chinoises » avait expliqué le représentant de la profession. Ce dernier en avait d’ailleurs appelé à une réaction quant à ce sujet. Des disparitions qui ne sont pas rares dans le milieu des reporters quand ils bousculent l’ordre établi.
De nombreuses hypothèses
Face à ces disparitions, Pierre Haski avait mis en avant plusieurs scénarios. « Soit les autorités les gardent le temps que le sujet de la crise sanitaire devienne moins brûlant. Dans ce cas, on pourrait imaginer qu’ils soient relâchés d’ici quelques semaines, mais cela reste peu probable. L’autre scénario plus habituel voudrait qu’on entende plus parler d’eux pendant encore un moment. Puis on apprendra d’ici six mois qu’ils ont été mis en examen pour subversion » analysait l’homme. Il a également évoqué des « procès tenus à huis clos ».
« Devant moi, j’ai le virus et derrière moi le pouvoir chinois »
Si aujourd’hui deux lanceurs d’alerte ont disparu, c’est Chen Qiushi qui a été le premier à « s’évaporer » pour des raisons obscures. Connu pour avoir filmé l’hôpital débordé de patients de la province qui a vu naître le coronavirus, l’homme était sur la sellette. « J’ai très peur. Devant moi, j’ai le virus et derrière moi le pouvoir chinois » a déclaré cet avocat des droits de l’homme. Quelques jours plus tard, son compte Weibo [ndlr : le Twitter chinois ] a été éliminé. Le lanceur d’alerte a été mis « en quarantaine » mais pourtant aucun signe n’annonçait sa contamination. Selon un article de l’Independant daté du 28 décembre, l’homme a été libéré de prison mais ne s’est pas exprimé en public. Un de ses amis aurait également révélé qu’il vit sous surveillance.
Des images censurées par les autorités
L’affaire Chen n’est malheureusement pas un cas isolé puisque celle de Fang Bin lui ressemble sensiblement. Ce gérant de magasin a publié en février une vidéo qui est depuis, devenue virale avec plus d’un million de vues. Le contenu ? 8 cadavres de malades découverts devant ou au sein d’un établissement hospitalier de la province funestement connue. Les autorités ont depuis confisqué son ordinateur portable après un long interrogatoire. L’homme explique qu’une femme vient lui apporter à manger et qu’« ils » veulent le mettre en quarantaine.
Une disparition mystérieuse
Mais l’homme ne s’arrêtera pas là puisqu’il filmera encore des officiers en combinaison tentant d’entrer chez lui. Et cela sera sa dernière vidéo avant sa disparition mystérieuse. Sa famille n’a depuis aucune information sur Chen. Un fait que vient également confirmer l’Independant, qui révèle qu “aucune information concernant Fang Bin n’est disponible”. Un médecin, Ai Fen, directrice de l’hôpital de Wuhan mais également militante, est quant à elle injoignable depuis fin mars. Réduite à se taire, elle avait critiqué la censure qui concerne le sujet du Covid-19. Heureusement, un journaliste de France Télévisions rapporte lui avoir parlé et précise qu’elle est toujours en poste, photo à l’appui sur Twitter.
Les médecins chinois intouchables
Selon Pierre Haski, le cas des médecins chinois est particulièrement favorable en raison de leur profession. « Elle court moins de risques que les autres. Il est beaucoup plus délicat pour les autorités chinoises d’envoyer un médecin en prison. Car tout le monde s’imaginera qu’elle a parlé pour mener à bien son travail » a expliqué le président de RSF. Il ajoute également : « Est-ce qu’elle a vécu volontairement recluse chez elle ? Est-ce qu’elle a été sous surveillance ? On a strictement aucune information ». Pour l’heure, l’énigme n’est résolue que dans les alcôves du pouvoir chinois. Les associations de défense de la liberté de la presse tentent aujourd’hui le tout pour le tout pour retrouver les disparus. Une chose difficile dans le régime totalitaire que représente la Chine. En outre, le pays a été accusé à plusieurs reprises d’avoir manqué de transparence au sujet de l’épidémie.