Ce que fait la solitude à votre corps et à votre âme

Publié le 17 février 2017

On le sait peu, mais la solitude nuit autant à la santé que l’obésité. L’histoire qui suit est celle d’une jeune Américaine, mais elle s’applique à tous les pays.

La solitude et son impact sur la santé

« New York est une ville si chère et stressante que j’ai décidé de partir pour Portland, dans l’Oregon. J’espérais y avoir plus de temps pour travailler. 
J’y ai loué une maison et, les premiers temps, je sortais le cœur léger, avide de faire de nouvelles connaissances. Je suis allée dans tous les lieux où on est censé faire des rencontres : parcs, librairies, bars, etc. J’ai même eu des rendez-vous galants. J’ai rencontré un tas de gens, mais personne avec qui je m’entendais vraiment.

Alors que j’étais agréable et ouverte, je suis devenue maussade et un peu suspicieuse. Je savais bien que j’avais besoin de créer de vraies interactions avec les autres, mais il m’était physiquement impossible de rencontrer de nouvelles personnes avec lesquelles je ne pouvais avoir d’atomes crochus.

Solitude et maladies, un lien prouvé

Souffrant de crises d’angoisse, j’ai entrepris des recherches sur la solitude et les études que j’ai trouvées étaient franchement inquiétantes.
J’ai ainsi appris que la solitude représentait un risque mortel. Les personnes âgées qui y sont confrontées sont ainsi susceptibles de décéder plus tôt que les autres.

La solitude est un facteur de risque équivalent au tabagisme et plus important que l’obésité.
À côté de cela, il faut savoir que de plus en plus de personnes en souffrent. Aux États-Unis, par exemple, 40% des adultes disent se sentir seuls, alors qu’ils n’étaient que 20% dans les années 80.

Le nombre grandissant de nos interactions sur Internet n’y remédie pas, comme on pourrait le croire, bien au contraire. Une étude menée parmi les utilisateurs de Facebook a ainsi montré que les plus assidus des utilisateurs sont aussi ceux qui ressentent le moins souvent un « sentiment de bien-être » au cours de la journée.

Solitude et stigmatisation

Dans le monde actuel où vous êtes jugé en fonction de l’importance de votre réseau social, la solitude est un sentiment humiliant. Lorsque ma mère, qui venait de se séparer de mon beau-père, a appelé une cousine avec qui elle n’avait plus de contact depuis des années, en quête d’un peu de chaleur d’humaine, celle-ci s’est moquée d’elle : « Tu n’as pas d’amis ou quoi ? ». 

John T. Cacioppo, qui étudie l’impact de la solitude sur la santé à l’Université de Chicago, affirme ainsi que : « Admettre se sentir seul revient à vous coller un gros S sur le front ». Il raconte qu’il s’est senti très embarrassé dans un avion, un jour où il tenait en mains un exemplaire de son propre livre sur la jaquette duquel le mot « solitude » est imprimé en grosses lettres. « Pour la première fois, j’ai su ce que c’était de se sentir seul au vu et au su de tous », confesse-t-il.
Après la révélation de sa tentative de suicide, l’acteur britannique Stephen Fry a raconté sur son blog sa lutte contre la dépression et a expliqué que la solitude en était l’aspect le plus douloureux :

« Seul ? Je reçois pratiquement une invitation par jour dans ma boîte aux lettres. Je serai dans la loge royale à Wimbledon et des amis m’ont généreusement et très sérieusement proposé de les rejoindre dans le sud de la France, en Italie, en Sicile, en Afrique du Sud, en Colombie-Britannique et en Amérique cet été. J’ai deux mois pour commencer un livre avant de partir à Broadway pour une saison de La Nuit des rois. Je relis cette dernière phrase et je vois bien que, bipolaire ou pas, si je suis sous traitement et pas réellement déprimé, quel droit j’ai, bon sang, de me sentir seul, malheureux ou abandonné ? Je n’en ai pas le droit. Mais je n’ai pas le droit non plus de ne pas ressentir ces sentiments. Les sentiments, ce n’est pas une chose à laquelle on a droit ou pas. Au final, la solitude est le plus terrible et le plus contradictoire de mes problèmes. »

Nous connaissons tous la sensation de se sentir seul dans une pièce pleine de monde et cela peut évidemment arriver à une personne aussi populaire que Stephen Fry. Même entouré d’une foule de fans, on peut se sentir seul si personne ne nous connaît réellement ou qu’on n’a personne sur qui compter et qui, réciproquement, peut compter sur nous.

Ce n’est pas le nombre de personnes que nous connaissons qui importe pour éviter la sensation d’être seul. Comme l’explique John T. Cacioppo, c’est la qualité des relations qui compte, pas leur quantité.

Des pays comme le Danemark et la Grande-Bretagne l’ont compris, ils cherchent des solutions et ont mis en place des interventions pour ceux qui se sentent seuls, en particulier les personnes âgées.

Quand nous nous sentons seuls, nous ne contrôlons plus nos impulsions et nous nous enfonçons dans ce que les scientifiques nomment la « dérobade sociale », ce qui signifie que nous fuyons les autres et que nous tentons de nous protéger. Autrement dit, cela met en action nos mécanismes de défense primaires : le combat ou la fuite. Nous restons seuls plutôt que de nous confronter à des individus en qui nous n’avons pas confiance.

John T. Cacioppo a examiné le sommeil des personnes qui souffrent de solitude. Il s’avère qu’elles sont plus sujettes aux micro-réveils que celles qui n’ont pas de problèmes d’interactions sociales. Leur cerveau reste donc en éveil, redoutant d’éventuelles menaces.

Nous ne parlons pas de la solitude, parce que faire des efforts pour la rompre n’est pas forcément suffisant. L’Internet, même s’il a contribué à aggraver le phénomène, pourrait toutefois être une solution pour y remédier. John T. Cacioppo a en effet été interpelé par un phénomène : les statistiques révèlent que les couples qui se sont rencontrés sur le Net divorcent moins et sont plus complices que les autres. Si ces données sont véridiques, on peut en conclure que les réseaux sociaux sont effectivement un moyen de se faire des amis pour les personnes qui, comme je l’ai décrit, se sont coupées du monde.

Quant à moi, j’ai préféré retourner à New York ».