Pourquoi de plus en plus d’hommes se maquillent aujourd’hui ?
Dominant le monde des cosmétiques depuis plusieurs années, les femmes semblent peu à peu céder la place à leurs homologues masculins. Eyeliner, fond de teint, fard à paupières, les looks se multiplient allant des plus discrets aux plus travaillés. Et les marques cosmétiques l’ont compris puisque l’on retrouve désormais de nombreuses gammes destinées à ces messieurs. Pleins feux sur cette tendance qui se démocratise.
Sur les réseaux sociaux, il est de plus en plus fréquent de voir des publications d’hommes partageant leur passion pour les produits de beauté et notamment le maquillage. Esthétique ou artistique, ce dernier ne semble plus exclusif aux femmes. Mais si une majorité considère cette tendance comme un phénomène récent, cela date en réalité de plusieurs siècles.
Le maquillage pour homme, une pratique ancestrale
Interrogée par nos confrères de l’Express, Anne-Marie Granet-Abisset, chercheuse au Laboratoire de recherche historique Rhône-Alpes et professeure d’histoire contemporaine explique que le maquillage masculin n’a rien de nouveau.
Il s’agit seulement d’anciennes pratiques qui refont surface sous de nouvelles formes. En effet, le maquillage qui désigne une modification de l’esthétique et de l’apparence est, à l’opposé de la croyance collective, une pratique aussi ancienne pour les hommes que pour leurs homologues féminines.
Et cela remonterait au 16ème siècle, voire même avant, lorsque les fards étaient utilisés par l’élite de l’artistocratie. Les hommes cherchaient alors à exprimer leur noblesse en appliquant du blanc de céruse sur la peau, ce qui créait une sorte de masque et surtout, un nouveau visage, révèle la chercheuse. Cette tendance sera toutefois délaissée après la Révolution française, notamment en raison de la bourgeoisie qui rejetait certaines coutumes associées à l’aristocratie.
La période pharaonique en Egypte antique était également marquée par ces pratiques, ajoute le doctorant en histoire Benjamin Coulomb. “Les pharaons se mettaient déjà des produits sur la peau, notamment pour les rites funéraires”, précise-t-il, expliquant que ces derniers permettaient de transformer l’apparence, la texture et l’odeur de la peau.
Des normes et des diktats qui évoluent
Si la démocratisation du maquillage masculin n’est pas sans embûches, elle se fraye peu à peu un chemin et s’adapte à une société aux normes et aux diktats en évolution. “Dès le milieu du XIXe siècle, quand le terme ‘maquillage’ est créé, cela renvoie au fait de prendre soin de soi pour exister socialement”, explique Anne-Marie Granet-Abisset. Une pratique qui n’a pas disparu car aujourd’hui encore, l’utilisation de produits cosmétiques se poursuit pour correspondre à des normes socio-culturelles et à des codes en société.
Pour autant, ces derniers changent continuellement. Ainsi et si l’on a pu voir le maquillage masculin disparaître au profit d’une virilité exacerbée pendant quelque temps, la pop culture a fait ressurgir cette tendance pendant les années 1960.
Freddy Mercury, David Bowie ou encore Prince sont quelques icônes qui ont bousculé les conventions et marqué les esprits avec des traits d’eye liner sur les yeux ou l’application de vernis sur les ongles. Et il semblerait que cette tendance revienne peu à peu sur le devant de la scène avec une approche plus large de la beauté et une perception plus libre de la masculinité.
Un moyen d’exprimer sa singularité
Délaissant les conceptions archaïques de la virilité et les pratiques genrées, de nombreux hommes optent aujourd’hui pour le maquillage. Et les raisons sont multiples. Pour Christine Catselain-Meunier, spécialiste du féminin, du masculin et de la flexibilité des identités, l’éloignement des genres définis offre plus de créativité aux individus qui cherchent désormais à affirmer leur singularité.
Une étude de la société Reportlinker, relayée par Elle a par ailleurs révélé que le marché mondial des produits cosmétiques pour homme avoisinait en 2016 les 40 milliards d’euros, avec une prévision de plus de 55 milliards d’euros pour l’année 2026.
Interrogé par le magazine féminin, Jeremy, 22 ans, explique que le maquillage fait désormais partie intégrante de son quotidien et ce, depuis plusieurs années. “j’ai toujours eu des rougeurs au niveau du nez et des joues et me maquiller m’a permis de ne plus avoir peur qu’on les remarque”, témoigne le jeune homme. Pour d’autres, cela a mené à une véritable vocation puisqu’ils en ont fait leur métier.
Sur Instagram, ils sont nombreux à partager leur “routine make-up”, créant même parfois de nouvelles techniques de maquillage adoptées par leurs abonnés. Une pratique qui est donc avant tout une question de goût, avant d’être liée au sexe, à l’orientation sexuelle ou aux affaires de genre.