Les femmes doivent-elles s’occuper de tout à la maison ?

Publié le 25 mai 2021
MAJ le 19 novembre 2024

Les idées-reçues et les stéréotypes sexistes insufflent l’idée selon laquelle ce sont les femmes qui doivent s’occuper des tâches domestiques. Maternité, grand ménage, vie conjugale sont autant de volets qu’elles doivent mener de front et cela peut provoquer une véritable surcharge mentale. Est-ce vraiment leur rôle d’allouer de nombreuses minutes par jour aux corvées ménagères ?

Tâches parentales, ménage, préparation des repas, organisation domestique, on imagine encore mal ces Messieurs s’occuper de ces devoirs quotidiens excepté vider les poubelles ! De nos jours, la question de l’entretien de la maison reste toujours d’actualité et constitue un plafond de verre pour les femmes.

Le travail domestique est toujours une affaire de…femmes

C’est une nouvelle qui prouve aux féministes qu’il reste un long chemin à faire avant l’égalité des sexes. Et pour cause, les femmes continuent à plus prendre en charge les tâches domestiques tandis que la gent masculine a plus de temps libre. Nos confrères de La Croix nous livrent des chiffres qui prouvent cette propension féminine à plus s’occuper du foyer. Dans un sondage effectué par l’entreprise Sarenza pour Ipsos le 6 mars 2014, il a été révélé que 68% des femmes affirmaient en faire plus que leur conjoint en matière d’activité domestique. Une tendance confirmée par les hommes puisque 44% d’entre eux reconnaissaient qu’ils s’attelaient moins à ce qui concerne la sphère domestique. La seule bonne nouvelle est que les chiffres révèlent une égalité homme-femme quant à l’éducation des enfants. En revanche, le travail des femmes dans la maison reste concentré sur des tâches telles que les courses, le nettoyage, la vaisselle ou encore la lessive. Seule responsabilité exclusivement confiée à la gent masculine : sortir les poubelles. Un état des lieux qui perdure et crée une entrave au travail salarié des femmes qui peuvent avoir une double journée.

Une liste de tâches qui traverse le temps

Cité par nos confrères de La Croix, le sondage du site spécialisé maman.fr, prouve que les tâches ménagères quotidiennes allouées aux femmes sont un paradigme qui continue d’être lié au genre. Selon ce dernier, plus de 50% des jeunes filles âgées entre 16 à 18 ans font la cuisine contre seulement un tiers des jeunes garçons. Le repassage connaît la même disparité puisque ce temps domestique est la responsabilité de 21% des adolescentes tandis que 5% des garçons réalisent l’un de ces travaux ménagers. La faute à des discriminations transmises par les anciennes générations qui compromettent l’égalité hommes femmes futures.

Le manque de parité est représentatif d’un conditionnement

Si les tâches quotidiennes à la maison continuent à être la responsabilité des femmes, ce n’est pas seulement dû à une inégalité et d’une transmission d’une génération à l’autre. La gent féminine elle-même nourrit la croyance selon laquelle le ménage fait partie intégrante de leur vie et que leurs partenaires doivent simplement donner un coup de main. Christine Castellain-Meunier, sociologue au CNRS et auteure de « Le ménage, la fée, la sorcière et l’homme nouveau », explique ce taux de participation supérieur dans ces activités non rémunérées.  Pour l’experte, ces inégalités miroitent les inégalités sociales entre les deux sexes en matière de salaire, carrière… tout en donnant une autre piste de réflexion : l’injonction de la maternité. Ainsi, les femmes soucieuses d’être de « bonnes mères » , peuvent effectuer des tâches ménagères qui phagocytent leur temps-libre pour créer un environnement plaisant pour leurs enfants. L’idée du paradigme est également présente et sont responsables du fait que les activités domestiques sont davantage imputées aux femmes. C’est ce qu’explique la spécialiste en se penchant sur ces écarts parfois conséquents. Elle analyse que ce genre a « intériorisé » son rôle de « maîtresse de maison ». Une propension à s’occuper du soin des enfants et de faire les tâches ménagères mais aussi de transmettre cette injonction à leurs filles.

Homme faisant le ménage. Source : Femme Actuelle

Les femmes préfèrent se consacrer à cette tâche seule

Cette disparité dans le partage des tâches domestiques n’est pas seulement conjoncturelle mais aussi structurelle. Si une femme fait le ménage plus qu’un homme, c’est aussi parce qu’elle préfère le faire toute seule. La raison : elle a du mal à déléguer et préfère que les tâches familiales et les travaux domestiques soient menés de bout en bout. « Il y’a chez elles une sorte d’ambivalence […] elles aimeraient que leur conjoint en fasse plus, et en même temps, elles les empêchent d’en faire davantage », affirme la spécialiste des tendances sociales. On l’aura compris, cet emploi du temps surchargé s’explique par la frustration des femmes de voir que leurs partenaires n’accomplissent leurs tâches que passablement ou du moins, pas comme elles l’auraient fait. Résultat : ce paradoxe les amène à s’occuper de toutes les tâches pour les réaliser « parfaitement ». De quoi imaginer qu’une femme est maniaque quand il s’agit de ménage et de repassage mais cette tendance à s’épuiser à la tâche remonte à l’enfance.

Les jeunes filles : plus susceptibles de mettre la table

La raison pour laquelle les femmes mènent parfois de front une activité professionnelle soutenue et les tâches les plus ingrates est le plus souvent issue de l’éducation. Et pour cause, les familles sollicitent plus les filles pour participer aux tâches ménagères que les garçons. Les parents attendent du « sexe fort » des injonctions viriles telles que l’exercice d’un sport ou des tâches plus physiques comme le nettoyage d’une voiture ou encore le bricolage. Un état de fait qui peut agacer une féministe mais qui peut être véhiculé à la fois par les pères et les mères. « Les parents n’en ont pas toujours conscience […] L’idée est encore ancrée dans les mentalités que les tâches ménagères se conjuguent mal avec la virilité », analyse la sociologue. Alors que certains parents demandent aux filles de participer au foyer, d’autres n’estiment pas que le ménage devrait être réalisé par des enfants. D’autres priorités sont en jeu comme la réussite à l’école ou les activités parascolaires susceptibles de participer au succès financier et au bonheur à l’âge adulte.

La nouvelle répartition des tâches des jeunes couples est plus anarchique

Le planning des tâches est plus copieux pour les femmes que les hommes mais une nouvelle tendance s’inscrit chez les jeunes couples et cela témoigne d’un souci moindre du ménage dans la vie de couple. C’est ce qu’explique la sociologue qui remarque que nos contemporains accordent moins d’importance au ménage et au repassage. Une tendance potentiellement expliquée par une injonction de s’occuper du foyer, moins inscrite dans l’esprit féminin. « Avant, elles avaient honte, quand la maison était en désordre. Aujourd’hui, elles sont plus détendues » remarque l’experte. C’est particulièrement le cas pour les jeunes couples qui sont moins scrupuleux pour certaines tâches comme celle de mettre la table ou de faire son lit le matin. Un plus grand lâcher prise bénéfique pour la condition féminine. Cela ne veut pas pour autant dire que la femme lésine sur certains gestes domestiques élémentaires. Même recouverte négligemment par son conjoint, elle mettra un point d’honneur à ce que lui aussi participe dans la gestion de la maison !

Un plus grand souci des hommes pour les tâches ménagères

Alors qu’il y’a une dizaines d’années le fait d’être une femme au foyer était considéré comme une norme autant que l’est le travail rémunéré, une vision du rôle de cette dernière était inscrite dans l’imaginaire collectif. C’est pour cette raison que l’éducation des petites filles insuffle l’idée selon laquelle elle devait faire la cuisine, s’occuper des enfants mais aussi s’occuper des tâches domestiques. Le rôle des hommes dans la gestion du foyer n’était qu’accessoire et consistait en des tâches minimes qui était la résultante de leur rôle de « pourvoyeur ». Une vision désormais révolue dans les sociétés occidentales. Cités par nos confrères du magazine Elle, ces chiffres démontrent que cette inégalité tend à tomber en désuétude. Et pour cause, 72% des hommes estiment que les tâches ménagères sont des sujets à prendre en compte.

Couple et ménage. Source : Terra Femina

Qu’est-ce que la charge mentale ?

S’occuper des tâches ménagères n’est désormais presque plus une affaire de femmes mais il demeure toujours des résidus d’il y’a une trentaine d’années, où l’idée de maîtresse de maison était légion. Son nom ? La charge mentale. Ce travail non rémunéré continue à peser sur le sexe féminin mais d’une autre manière. A la place de l’exécution des tâches, c’est plutôt la planification qui est en cause, que les femmes travaillent ou bénéficient d’une aide-ménagère.  Ce terme entré dans le dictionnaire implique que ce sont toujours elles qui doivent penser à ce qu’il y’a à faire à la maison et cela peut aller d’inscrire les enfants aux centre aéré, jusqu’à acheter du liquide vaisselle. Cette frustration de devoir penser à tout a longtemps été verbalisée sur les réseaux sociaux ces dernières années. Emma, dessinatrice, met des images sur ce mal qui ronge de nombreuses femmes qui, en plus de travailler, ont ce poids sur leurs épaules. La dessinatrice résume bien ce phénomène sociétal avec une réplique souvent dite par les hommes : « Fallait demander ». Ce manque de proactivité caractérise bien ce que reprochent les femmes lorsqu’il s’agit de gérer le foyer. Un sujet qui a alimenté le débat qui constitue encore un progrès à faire dans la bonne répartition des responsabilités dans la vie de couple.

Y a-t-il vraiment un meilleur partage des tâches ?

Cette tendance à répartir au mieux les tâches en couple est-elle réelle ? Cela en a tout l’air mais les chiffres sont têtus. L’institut de sondage IPSOS nous révèle sur son dossier « Les Français et le partage des tâches », qu’il y’a effectivement des améliorations puisque 32% des hommes déclarent faire les courses plus souvent tandis que les femmes disent que seulement 14% assument cette responsabilité. Alors que 29% des Français disent préparer le repas, les Françaises, elles, estiment que 18% de leurs conjoints le font véritablement. En ce qui concerne les enfants, 13% des hommes disent s’en occuper tandis que les femmes rétorquent en estimant que seulement 4% de leurs partenaires prennent au sérieux leur rôle de parent. « Nous sommes encore loin de l’égalité ! », commente le sociologue Jean-Claude Kaufmann.

L’évolution varie selon la durée du couple et la génération

Comme expliqué ci-dessus, l’antériorité du couple et la génération sont des facteurs déterminants dans le partage des tâches. Pour autant, si 89% des Français qui affirment que cette dernière s’est améliorée ces 50 dernières années, cette évolution est lente et est due à plusieurs raisons. Parmi elles, majoritairement, un plus grand investissement professionnel des femmes qui représente 93% des causes de ce changement notable. D’autres facteurs tels que l’investissement des hommes (83%), le lâcher prise des femmes dans la capacité à déléguer (83%) ont amené cette tendance sociétale. Cela est particulièrement vrai chez les couples de moins de 35 ans excepté pour certaines tâches domestiques telles que la lessive et l’entretien du linge qui est passé entre les mailles du filet. Les unions entre deux et huit ans de vie sont plus susceptibles de partager équitablement les responsabilités au sein du foyer. C’est le cas pour le lavage des sols, faire les courses ou encore bricoler à quelques points de perception près en 2018. Les hommes estiment, au même titre que leur conjointe, que participer aux tâches ménagères est inhérent à leur rôle.

Certaines tâches représentent encore une inégalité

Cette meilleure répartition des tâches est de bon augure pour un partage équitable des responsabilités du foyer. Pour autant, il en existe certaines qui sont représentatives d’une inégalité entre les sexes. Le linge et le bricolage en font partie. Et pour cause, 21% des hommes s’affairent à trier le linge et lancer une lessive alors que 83% des femmes enclenchent leur machine à laver. En ce qui concerne le repassage, la proportion est de 20% des hommes pour 81% des femmes qui exécutent cette activité en plus de leurs heures de travail. 78% d’entre elles lavent les toilettes alors que 22% de leurs conjoints le font. Heureusement, il existe une discrimination positive certainement liée à l’injonction de virilité masculine. Cela concerne essentiellement le bricolage qui est l’apanage de 71% des hommes et de sortir les poubelles qui concerne 55% d’entre eux.

Vers une évolution des mentalités ?

Toujours selon l’IFOP, certaines croyances amènent à penser que cette inégalité aura encore la peau dure. 40% des hommes pensent que l’implication des femmes dans la réalisation des tâches ménagères est due au fait qu’elles y trouvent une satisfaction personnelle. Pour 43%, la gent masculine est moins disposée que leurs conjointes pour cette gestion du foyer. 46% des Français pensent qu’ils sont plus doués pour le bricolage et que les femmes s’en sortent mieux pour le ménage. Parmi cette population, 41% sont des femmes.

Quid de la faculté à déléguer ?

La difficulté à déléguer avérée des femmes est désormais chiffrée. Et pour cause, elles avouent elles-mêmes qu’il est difficile de laisser carte blanche pour certaines tâches. Du moins, elles pourraient confier cette tâche mais en supervisant sa bonne exécution et il en est de même pour les hommes. 25% d’entre eux peuvent déléguer en surveillant le linge contre 38% pour les femmes. 24% doivent s’assurer du bon déroulé des courses pour 33% des femmes, 21% contre 33% des femmes pour le repassage, 17% contre 21% pour s’occuper des enfants.

Faculté à déléguer les tâches. Source : IPSOS

La procrastination est l’ennemie de la répartition équitable des tâches

Que les hommes et les femmes se détrompent, si le partage juste de l’activité au sein du foyer est parfois injuste, ce n’est pas par mauvaise volonté. La faute à qui ? A la procrastination, qui est à la fois la première excuse pour les hommes et les femmes devant certaines tâches. Cette faculté à reporter au lendemain concerne 52% des Français, mais elle est justifiée pour des raisons différentes selon les sexes. Les hommes seront plus susceptibles d’évoquer le manque de temps, l’absence d’utilité ou le manque de compétence. Pour celles qui viennent de Vénus, c’est la fatigue, le manque de courage ou le fait de l’avoir fait la dernière fois. Contrairement à ce que l’on peut imaginer, les deux sexes considèrent le ménage et le repassage comme une source de satisfaction.

Faire le ménage : quels bienfaits pour les Français ?

Le ménage n’est pas une activité plaisante et ça les Français n’en démordent pas. Pour 83% il s’agit d’une habitude et 70% considèrent cela comme une corvée. Cela ne veut pas dire pour autant que le travail bien fait soit dénué d’avantages. Pour 57%, ils éprouvent le sentiment de s’être débarrassés d’une corvée tandis que 55% ressentent l’agréable satisfaction du devoir accompli. 71% des hommes sont animés par l’image positive d’eux-mêmes et le fait que ce soit leur rôle. 60% des femmes considèrent que ce n’est pas particulièrement à elles de faire le ménage.

Vers une éducation au partage équitable des tâches ?

Certains intériorisent ce partage inéquitable des tâches. Heureusement, les Français tendent, en tant que parents, à faire participer les deux sexes aux tâches ménagères afin que cette charge morale ne pèse plus exclusivement sur les femmes. Cela commence par les hommes qui souhaitent transmettre l’idée qu’il n’y a plus de « tâches féminines ». Près de 8 Français sur 10 confirment qu’à la fois le père et la mère arrivent mieux à transmettre aux nouvelles générations que tous les sexes doivent avoir cette responsabilité. C’est particulièrement le cas pour les hommes en couple dont 86% partagent cette opinion. Ces derniers pensent également, à 90%, que les parents souhaitent davantage donner le bon exemple, en s’affairant équitablement à différentes tâches. 89% des Français estiment que l’implication des hommes dans la répartition des tâches domestiques et ménagères est importante. 38% d’entre eux pensent que cet aspect est « essentiel ».

Comment partager plus équitablement les tâches en couple ?

Donnés par Guylaine Deschênes, psychologue organisationnelle, des conseils pour mieux se répartir les tâches domestiques au sein du couple aident à mieux vivre au quotidien. La spécialiste explique qu’il est d’abord judicieux d’établir une liste des choses à faire tous les jours. Ce document peut également être ponctuel lorsqu’il y’a un événement nouveau comme l’arrivée d’un bébé ou encore d’un déménagement. Pour une meilleure harmonie, il est pertinent de répartir les tâches en amont mais aussi de tout planifier. Parmi ces responsabilités, la prise de rendez-vous médicaux des enfants, l’organisation des vacances ou encore les présences aux événements scolaires. Il est possible d’alterner en établissant un principe de semaine A et semaine B ou encore un jour sur deux. Le calendrier est un bon outil pour permettre au couple de visualiser ce qu’il y’a à faire et la personne qui en est chargée. Ecrire des heures ou des dates butoir est un moyen d’éviter les disputes et cette fameuse charge mentale qui pousse la personne à réaliser la tâche par elle-même. Pour être bien organisé, il est important de travailler sur soi pour déléguer sans superviser les responsabilités que l’on a donné à l’autre. Un regard bienveillant et sans critique de son partenaire permet une meilleure cohésion de la famille. Reconnaître la contribution de son conjoint en montrant de la gratitude et en l’encourageant est aussi utile pour que cette solidarité dure au sein du couple. « Merci pour ce bon repas », « La vaisselle est bien faite », sont autant de marques de reconnaissances qui font perdurer cette entraide indispensable dans le foyer. Comme tout au sein d’une relation, la communication et le respect sont de mise pour éviter des malentendus inutiles. C’est cela qui montrera l’exemple aux enfants pour que cette équité soit la norme et pour participer à son échelle à l’égalité entre les sexes.