Le Tramadol, médicament anti-douleurs « tue » chaque année des milliers de personnes

Publié le 28 novembre 2020

Depuis la révélation d’une véritable crise des opioïdes, les risques liés à la surprescription d’antalgiques inquiètent les organismes de santé. A l’origine de près de 400 000 morts en moins de 20 ans sur le sol américain, ces médicaments sont aujourd’hui encore sur le banc des accusés, avec pour principal coupable le Tramadol. Selon l’Observatoire français des médicaments antalgiques (Ofma), ce serait la première molécule impliquée dans les décès par antalgiques dans l’Hexagone. Un constat alarmant qui n’a pas manqué d’alerter l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Fréquemment prescrits par les professionnels de la santé, les antalgiques à base d’opiacés sont depuis quelques années pointés du doigt pour leurs risques sur la santé. Ces derniers seraient la première cause de mort par overdose en France et selon une enquête du réseau d’addictovigilance, le Tramadol se dresse en tête de liste des médicaments à surveiller.

Tramadol, première molécule en cause

Menée en 2018, l’enquête DTA (Décès Toxiques Antalgiques) a révélé que parmi les 4 molécules particulièrement impliquées dans les décès liés aux opioïdes, les cas imputables au Tramadol étaient en nette augmentation, au détriment de la morphine ou de la codéine, en hausse à des taux plus faibles. Nathalie Richard, directrice adjointe à l’ANSM, confirme cet état de fait à Europe 1, soulignant que “ le Tramadol est le premier médicament impliqué dans les décès liés aux antalgiques. » A cet effet, l’agence nationale du médicament l’a placé sous surveillance, pour remédier aux risques de surdosage et de dépendance. À compter du 15 avril 2020, sa durée de prescription sera limitée à 3 mois au lieu de 12.

Une nouvelle initiative de l’ANSM

En 2017, 6,8 millions de Français auraient consommé du Tramadol au moins une fois dans l’année. Selon le journal Le Monde, cet antalgique serait “de loin l’opioïde le plus prescrit en France”. Si la situation n’a pas connu la même décadence qu’outre-Atlantique, les autorités sanitaires n’en sont pas moins inquiètes. En cause, une hausse inquiétante des hospitalisations résultants de son mésusage. Celles-ci auraient triplé entre 2000 et 2017.

C’est donc le 16 janvier 2020 que l’ANSM a annoncé sa décision: “ la durée maximale de prescription des médicaments antalgiques contenant du tramadol (voie orale) est réduite de 12 mois à 3 mois”. Son but ? Limiter les risques de surdosage et de dépendance en cas de consommation de ce médicament à base d’opiacés.

Risques de dépendance et de mésusage

En effet, comme l’avait souligné le rapport d’enquête DTA, l’utilisation du Tramadol serait problématique chez les consommateurs de drogue mais aussi au niveau de la population générale pour traiter la douleur. Des syndromes de manque se manifesteraient en cas d’arrêt, même si la consommation n’a duré qu’une courte période ou que les doses recommandées n’ont pas été dépassées. C’est ce qui inciterait certains patients à prolonger son utilisation malgré la disparition de la douleur. Selon les données recueillies par une enquête OSIAP (Ordonnances Suspectes, Indicateur d’Abus Possible), le Tramadol serait “le deuxième antalgique le plus fréquemment retrouvé sur les ordonnances falsifiées présentées en pharmacie, derrière la codéine”.

Par ailleurs, une publication de la revue Prescrire qui date du 1er Mars 2020 met en lumière les risques de surdose involontaire en cas de prise de Tramadol. Il serait, avec la morphine, “l’opioïde le plus impliqué dans les surdoses mortelles”, spécifiant que la vigilance est de mise, bien que l’anti-douleur soit classé parmi les opioïdes dit faibles.

“Au moins quatre décès par semaine”, selon l’ANSM

Comme le souligne Libération, la prescription des antalgiques à base d’opiacés est en hausse depuis 15 ans sur le territoire français. Ces molécules dérivées de l’opium sont généralement prescrites pour atténuer les douleurs aiguës et chroniques. Le problème, c’est que leur “puissance addictive est supérieure à celle de l’héroïne”. Selon l’ANSM, les antalgiques opioïdes seraient responsables “d’au moins quatre décès par semaine”. Raison pour laquelle la prescription de ce médicament doit être vigilante afin d’éviter son mésusage.

Prise de conscience et sensibilisation

S’il n’est pas question d’interdire sa prescription, Nathalie Richard tient à préciser, « Pour renouveler l’ordonnance le patient devra revenir chez le médecin : cela permettra de réévaluer la douleur, s’il n’en prend pas trop et risque de devenir dépendant ». Elle déplore aussi l’ignorance de certains médecins et pharmaciens “qui ne savent pas que le tramadol est un opioïde”. Le but de cette initiative de l’ANSM est donc essentiellement de sensibiliser les professionnels et les patients quant aux risques potentiels liés à la prise du Tramadol, afin d’instaurer une surveillance plus étroite de sa consommation. L’experte tient à rappeler qu’il est nécessaire de poursuivre les traitements, soulignant que “ l’on a toujours un rapport bénéfice/risque favorable pour le Tramadol, sous réserve d’un bon usage ».