Pourquoi un vaccin contre le Coronavirus d’ici novembre “pourrait être dangereux”

Publié le 7 octobre 2020

À l’heure où les Etats-Unis sont durement touchés par la pandémie de Covid-19, un sentiment d’urgence se fait ressentir dans le pays. Les autorités sanitaires ont sommé les États américains de se préparer à la distribution à grande échelle d’un vaccin d’ici début novembre. Mais l’initiative laisse certains experts sceptiques. Parmi eux, le Dr Thomas A. LaVeist, doyen de l’école de santé publique à la Tulane University. Interrogé par Healthline, le professeur explique les raisons qui suscitent son inquiétude. 

A ce jour, le pays de l’Oncle Sam compte plus de 7 millions de cas de contamination sur son territoire, avec plus de 214 000 décès recensés. A quelques semaines de la présidentielle, Robert Redfield, directeur des Centres américains de prévention et de lutte contre les maladies a appelé les Etats à faire le nécessaire pour que les centres de distribution d’un vaccin contre le Covid-19 soient “complètement opérationnels d’ici le 1er novembre 2020”. Mais l’annonce fait craindre à certains scientifiques une précipitation qui pourrait s’avérer “dangereuse”.

“Développer un vaccin nécessite un travail minutieux”

Dans un article de Healthline, Thomas A. Laveist exprime son inquiétude au sujet de la production d’un vaccin. Selon le professeur, il y a une possibilité que l’administration de Donald Trump prenne certains raccourcis pour faire avancer les choses plus rapidement.

“Le développement d’un vaccin nécessite un travail minutieux”, indique le Dr Laveist, ajoutant que “typiquement, un vaccin met plus d’une décennie à être développé et déployé”. A ses yeux, fixer une”date limite virtuelle” pour la production d’un vaccin contre le Covid-19 est “extrêmement dangereux”. Et il n’est pas le seul à être préoccupé par la situation aux Etats-Unis.

Selon BFM TV, des biostatisticiens, des scientifiques et des experts des essais cliniques mettent en garde contre les “risques d’une approbation aussi rapide”. Pour être certains de l’innocuité et de l’efficacité du vaccin, ces derniers préfèrent mener des tests pendant quelques mois supplémentaires.

La promesse d’un vaccin rapide inquiète

La promesse d’un vaccin avant le 3 novembre est l’un des arguments clés avancés par Donald Trump lors de sa campagne présidentielle. Lui-même testé positif au Covid-19 ce 2 octobre, le président aux propos controversés ne fait pas toujours l’unanimité. Interrogé par France Info, Benjamin Toll, professeur de sciences politiques, estime que Donald Trump “s’est mis en tête qu’un vaccin pourrait jouer en faveur de sa réélection”. Du côté de l’opposition, les démocrates redoutent une pression exercée sur les autorités sanitaires pour avoir un vaccin avant novembre, révèle un article du 20 Minutes.

Pour assurer que la cadence ne sera pas accélérée en raison de l’élection, neuf laboratoires américains se sont engagés début septembre à respecter un protocole strict. Parmi eux : Moderna, Pfizer et Johnson & Johnson, tous en phase 3 des essais cliniques aux Etats-Unis. Autrement dit, la phase où un placebo ou un vaccin expérimental est testé de manière aléatoire sur des dizaines de milliers de volontaires.

Dans ce communiqué, ils écrivent : « Nous, les soussignées entreprises biopharmaceutiques, souhaitons affirmer clairement notre engagement actuel à développer et à tester des vaccins potentiels contre le Covid-19 dans le respect de hautes normes éthiques et de principes scientifiques rigoureux ».

Des essais qui ne seront pas terminés avant l’élection

Ce 2 octobre, Moderna a d’ailleurs annoncé que son vaccin expérimental ne sera pas prêt avant l’élection présidentielle. Selon Stéphane Bancel, son directeur général, leurs essais cliniques qui figurent parmi les plus avancés “ ne produiront pas de résultats avant le 25 novembre au plus tôt”.

De son côté, Pfizer a également rallongé ses délais. Alors que son PDG Albert Bourla estimait que le vaccin pourrait être prêt d’ici octobre, Forbes révèle dans un article qu’un porte-parole a indiqué plus tard que Pfizer n’aura pas achevé son essai clinique d’ici là.

Un scepticisme face au vaccin contre le Covid-19

Si les scientifiques partagent leurs préoccupations face à un vaccin produit trop rapidement, il semblerait que cette inquiétude n’épargne pas les citoyens américains. Selon une étude publiée par la Kaiser Family Foundation le 10 septembre, 62% d’entre eux s’inquiètent des pressions exercées sur la FDA, l’autorité américaine d’homologation des médicaments.

Un second sondage mené par l’institut Pew et datant du 17 septembre indique quant à lui que près de 50% des Américains refuseraient de se faire vacciner si l’injection était disponible. En mai, ils étaient moins de 30% à l’affirmer. Un sentiment partagé il y a quelques mois en France. Selon un sondage publié sur The Lancet en mai, 1 Français sur 4 ne comptait pas se faire vacciner contre le Covid-19.