École d’hier et d’aujourd’hui : Était-ce vraiment mieux avant ?

Publié le 26 mars 2023
MAJ le 14 novembre 2024

Si l’école d’aujourd’hui est loin d’être parfaite, celle « d’hier » dont on entend si souvent vanter les mérites n’était pas non plus la panacée. Et si l’école idéale était un mélange des genres ?

Pour ou contre le retour à l’uniforme

Marie Duru-Bellat. À l’école comme au collège, les élèves sont assez obsédés par leur apparence et leur tenue. C’est une façon d’exprimer leur individualité, leur personnalité… D’aucuns pensent qu’en portant l’uniforme, les différences et les inégalités seront gommées, mais il faudrait que les familles l’achètent, ce qui n’est pas simple pour les plus défavorisées. En 2018, à Provins, l’uniforme a été recommandé dans les écoles primaires, mais peu de parents y ont souscrit, faute d’argent et d’obligation… L’idée a finalement été abandonnée. Aujourd’hui, il est imposé dans un tiers des établissements d’outre-mer, avec succès : la tenue unique met en condition, les élèves sont plus concentrés sur le travail, moins sur leurs apparences.

Vers une mixité aménagée ?

Marie Duru-Bellat. Aujourd’hui, filles et garçons étudient les mêmes programmes, ont les mêmes enseignants, les mêmes diplômes, ce qui n’était pas forcément le cas quand la mixité n’existait pas : les filles apprenaient les arts ménagers, mais peu de matières intellectuelles. Aujourd’hui, des expériences de nonmixité sont régulièrement menées, particulièrement au collège : les jeunes filles disent apprécier car elles se sentent plus tranquillisées, moins « ennuyées » par les garçons, plus libres de prendre la parole. Néanmoins, elles reconnaissent qu’il ne faut pas que cela dure trop longtemps car elles apprécient de côtoyer les garçons. Des collèges ont séparé filles et garçons dans des matières jugées plus « masculines » comme les mathématiques ou les sciences, où les filles se sentent moins à leur place et donc prennent moins la parole.

Les punitions sont-elles moins dures aujourd’hui ?

Antonella Verdiani. Certes, les coups de règle sur les doigts, le bonnet d’âne et d’autres châtiments corporels n’existent plus et c’est une bonne chose ! Toutefois, ils ont été remplacés par la « violence éducative ordinaire ». Ce sont des mots adressés de façon blessante, des notes rendues devant toute la classe, avec comme message « Nul » ! Ce n’est pas plus facile à vivre que les coups de règle !

Notes, tableau d’honneur… Comment évaluer nos jeunes ?

Marie Duru-Bellat. Les élèves aiment savoir où ils en sont, mais on n’est pas obligé de théâtraliser avec un tableau d’honneur. S’il ne faut pas supprimer les évaluations, mieux vaut réfléchir au message qui les accompagne : expliquer à chacun les notions incomprises, puis les retravailler. Un message formateur est plus intelligent qu’un classement ! En France, on note avec une dureté qui n’existe pas au Royaume-Uni, en Scandinavie, en Espagne et en Italie. Dans ces pays, l’école est beaucoup plus bienveillante.

Antonella Verdiani. On peut très bien se passer des notes pour évaluer. Dans certaines écoles canadiennes, mais aussi de France, les élèves pratiquent l’autoévaluation. Ils apprennent également à travailler en groupe et à s’entraider. Ce qui est important.

Des enfants en classe

Des enfants en classe.

Le stylo ou la tablette ?

Antonella Verdiani. La tablette ne remplace pas le stylo ; les deux sont complémentaires. Toutefois, apprendre à écrire manuellement stimule des zones du cerveau qui favorise l’apprentissage, plus que l’utilisation du clavier. Il ne faut donc pas faire l’impasse. Cependant, il ne faut pas supprimer tout cet univers tactile et le plaisir qu’il procure !

Encyclopédie versus Google

Antonella Verdiani. Les outils numériques ont de réels atouts, à condition que l’on sache s’en servir. Aujourd’hui, on manque de méthode ! Les élèves ne sont pas assez formés aux nouveaux systèmes, aux recherches sur Internet… Il faut leur apprendre à chercher, à confronter les sources, à vérifier les informations avec discernement. De plus en plus d’enseignants le font, mais pas assez. Les jeunes sont plus rapides que les adultes, certes, mais ils ne savent pas reconnaître une source réelle d’une fake news.

Des enfants étudient en classe

Des enfants étudient en classe.

Le grand retour de la dictée ?

Marie Duru-Bellat. On en parle de plus en plus, mais la dictée n’est pas la seule façon d’apprendre le français, même si répéter aide à apprendre. On a eu tendance, ces dernières années, à dévaloriser ce qui est répétitif. L’apprentissage passe aussi par la lecture, les leçons. Si les élèves actuels ont accès à une variété de ressources – ordinateurs, tablettes avec des jeux stimulants –, il a été démontré que lire sur un écran est moins efficace que sur un livre papier. Et apprendre des leçons n’est pas du luxe pour faire travailler sa mémoire.

« La tablette ne remplace pas le stylo. Les deux sont complémentaires . »- Antonella Verdiani.

Antonella Verdiani. Baser l’enseignement de l’ortho graphe et de la grammaire sur la seule dictée peut être contreproductif, car cela peut vite dégoûter les élèves en difficulté. Selon l’âge et le niveau, on peut utiliser la lecture à plusieurs, inventer des histoires et les écrire. Il existe aussi la dictée à trous, la dictée courte, écrite au tableau, la dictée où les élèves réfléchissent en groupe. Au Canada, en Suède, mais aussi en France, les expériences d’école décloisonnée, où grands et petits travaillent ensemble, apportent d’excellents résultats dans les apprentissages.

« À l’ école comme au collège, les élèves sont assez obsédés par leur apparence et leur tenue. »- Marie Duru-Bellat..

L’inclusion scolaire

Marie Duru-Bellat. Avant 1975, les élèves porteurs de handicap étaient scolarisés dans des écoles spécialisées, mais cela dépendait beaucoup des places disponibles et du handicap : les enfants aveugles ou sourds étaient pris en charge. Les enfants souffrant d’autisme ou de trisomie étaient beaucoup moins scolarisés. Aujourd’hui, tous les enfants sont censés aller dans la même école. Hélas, les enseignants ne sont pas formés pour apprendre aux enfants porteurs de handicap. Par ailleurs, les classes sont plus chargées chez nous qu’ailleurs en Europe, ce qui complique l’accueil de ces enfants.

Moins de 5 % des élèves d’une classe d’âge accédaient au baccalauréat avant les années 1950. Aujourd’hui, cet te proportion est de 80 %.

À lire

Ces écoles qui rendent nos enfants heureux, d’Antonella Verdiani, éd. Actes Sud, 22 €. Ce livre propose un tour d’horizon des initiatives éducatives innovantes qui replacent l’enfant et son épanouissement au cœur de l’enseignement. L’auteure y détaille les spécificités de chacune et donne des informations aux parents et aux enseignants, pour découvrir ces écoles.

Nos expertes

Marie Duru-Bellat sociologue, spécialiste d’éducation, professeure émérite à sciences po (Paris).

Antonella Verdiani docteure en sciences de l’éducation, formatrice et auteure de ces Écoles qui rendent nos enfants heureux (Éd. Actes Sud).