50 adolescents s’arrêtent pour regarder et filmer avec leur téléphone un jeune garçon en train de mourir
Sujet de plusieurs études en psychologie sociale, la non-assistance à personne en danger peut paraître choquante pour le grand public souvent confronté à des récits aussi dramatiques les uns que les autres. Une énième histoire relayée par nos confrères de CBS, confirme l’urgence de dénoncer ce phénomène : un adolescent de 16 ans a été poignardé à New York suite à une bagarre devant les yeux de plusieurs jeunes passifs qui ont filmé la scène.
C’est en effet un mécanisme psychologique et sociologique complexe dont Khaseen Morris a fait les frais : la mort devant plusieurs témoins passifs. La police a annoncé que le jeune adolescent a été filmé pendant qu’il se faisait poignarder lors d’une bagarre par ses amis et autres témoins, dans l’indifférence générale.
Les faits
« Ils ont filmé sa mort plutôt que de l’aider » affirme le lieutenant Stephen Fitzpatrick devant les médias locaux de New York. La veille, dans un centre commercial, Khaseen Morris a été victime de l’agressivité de 7 jeunes, et la passivité de plus de 50 témoins. Le lieutenant ajoute : « Ce n’est pas possible. Votre ami est en train de mourir pendant que vous êtes là, debout, et que vous filmez ça. C’est odieux ».
Khaseen avait eu le malheur de raccompagner la petite amie d’un autre jeune chez elle, ce qui lui a valu cette mort prématurée. Poignardé au niveau de la poitrine, la victime n’a pas survécu à cette attaque, qui a également fait un autre blessé.
La sœur, Keyanna Morris, a décrit son frère comme aimable et gentil « tout le monde aimait mon frère. Il était incroyable ». Elle s’est également exprimé sur les faits en disant que « cette fille voulait qu’il la raccompagne chez elle et il était d’accord. Elle a voulu jouer en suscitant la jalousie de son ancien petit-ami en lui disant qu’elle se faisait raccompagner”.
La directrice Phyllis S. Harrington, de l’école Oceanside déplore ce drame «Nous sommes navrés par cette tragédie insensée» et insiste sur l’éducation, à cause des histoires similaires, sensée «nous rappeler d’être des gens bien et attentionnés».
Non-assistance à une personne en danger : qu’est ce qui empêche d’intervenir ?
Le cas de Kitty Genovese est souvent repris en psychologie sociale pour expliquer le phénomène de la non-assistance : cette femme a été violée et assassinée en 1964 devant 38 témoins passifs.
Ainsi les expériences sociales étudiant cette passivité des témoins et la baisse des comportements d’aide ont permis d’identifier un effet témoin ou un effet spectateur minimisant la probabilité d’intervenir lorsque le nombre de témoins est élevé. En d’autres termes, si vous êtes le seul témoin d’une scène, vous êtes plus susceptible d’intervenir pour aider que s’il y a beaucoup de personnes.
John Latané et Bibb Darley ont mené une recherche empirique dans ce sens en 1968. Dans l’expérience en question, il s’agit d’avoir une conversation téléphonique avec un complice qui simule une crise d’épilepsie au téléphone.
Au début, les participants sont les seuls interlocuteurs de la personne, ensuite la même expérience est faite avec des conversations à 3 voire plusieurs participants.
Les résultats de l’étude sont étonnants :
– Lorsque le participant pense qu’il est le seul témoin, il cherche à aider dans 85% des cas
– Lorsqu’il pense que quelqu’un d’autre peut le faire, il agit dans 62% des cas
– Lorsqu’ils sont 5 témoins, le participant n’agit que dans 31%des cas.
Les interrogations sur ces comportements subsistent pour mettre en lumière cet effet spectateur qui s’active naturellement lorsqu’on pense qu’on n’est pas seul à assister à une scène de danger.
Certains sociologues et psychologues parlent d’influence sociale et de conformisme, c’est-à-dire que l’on va souvent attendre de voir comment l’autre réagit avant de le faire.
Le danger en est que cela banalise les actes d’agression souvent trop importants pour que ne pas agir ou appeler les secours, d’où la nécessité de campagnes de sensibilisation menées pour réduire l’effet témoin.