Avoir eu le Covid peut créer une immunité, mais cela n’empêche pas de porter et de transmettre le virus
Avec près de 100 millions de cas de contamination dans le monde, de nombreuses personnes ont déjà été confrontées à une infection au virus Sars-CoV-2. Faut-il pour autant s’attendre à une immunité complète ? Peut-on toujours transmettre le virus si nous sommes protégés ? Interrogé par nos confrères de La Dépêche, le Pr Olivier Schwartz, responsable de l’unité Virus et immunité à l’Institut Pasteur apporte des éléments de réponse.
Depuis l’apparition du virus, nombre de personnes ont été infectées dans les quatre coins du monde. De ce fait, la question de l’immunité est jugée essentielle pour être à même de mieux appréhender la situation sanitaire. Pour y voir plus clair, le Pr Schwartz fait le point.
Développe-t-on une immunité après l’infection au Covid-19 ?
Interrogé par nos confrères de La Dépêche, l’expert explique que « Comme pour tous les virus, lorsque l’on est infecté par le Sars-CoV-2, le système immunitaire réagit et produit une réponse », ce qui se traduit essentiellement par la présence d’anticorps propres au Sars-CoV-2. En revanche, le taux de ces derniers pourrait varier selon la gravité de la maladie, explique le professeur. Ainsi, les anticorps seraient produits en plus grande quantité chez les personnes ayant développé une forme sévère, “ Sans doute car dans ces cas-là, il y a eu une présence de virus plus importante”, a-t-il ajouté. Un avis rejoint par la Haute Autorité de Santé qui a indiqué dans un rapport publié début décembre que la sévérité de l’infection au Covid-19 serait proportionnelle à l’immunité développée par la suite. Autrement dit, plus on a été gravement atteint, mieux on est immunisé.
Combien de temps dure l’immunité ?
Selon le Pr Schwartz, les personnes infectées une première fois par le virus peuvent effectivement développer des anticorps neutralisants, ce qui protégerait l’organisme en cas de nouvelle exposition au virus. Pour ce qui est de la durée de l’immunité, les certitudes manquent encore. “Ce que nous savons pour le moment, c’est que des anticorps sont encore détectables entre 3 et 6 mois après la primo-infection”, explique l’expert, mais leur taux diminuerait avec le temps. Pour autant, ce n’est pas parce qu’ils ne sont pas détectés dans l’organisme que le système immunitaire serait dans l’incapacité de se défendre, a-t-il poursuivi.
En effet, ce dernier “a une mémoire, qui se manifeste notamment par la capacité des lymphocytes B à réagir s’ils sont à nouveau exposés au virus en fabriquant de nouveau des anticorps spécifiques”, a-t-il détaillé. Des chercheurs australiens ont quant à eux mis en avant une durée de 8 mois pour l’immunité dans un article paru dans la revue Science Immunology le 22 décembre dernier. Il est toutefois nécessaire de rappeler que la prudence reste toujours de mise à mesure que les études se poursuivent pour approfondir les connaissances à ce sujet.
Peut-on attraper le Covid-19 deux fois ?
Nicolas Manel, directeur de recherche à l’Inserm, explique au Journal des Femmes qu’après avoir contracté une infection grave de Covid-19, la présence importante d’anticorps dans le sang réduit fortement le risque de réinfection dans les mois qui suivent. Pour ceux qui ont souffert d’une forme légère, voire asymptomatique, le risque serait alors potentiellement plus important en raison d’une réponse plus faible des anticorps.
Selon lui, il existe deux phases de conservation de la réponse immunitaire au virus. La première, c’est la production d’anticorps au moment de la vaccination ou de l’infection. Ces derniers persistent dans le corps pour nous octroyer leur protection. La durée de cette dernière étant variable selon les individus avec un “ordre de grandeur de quelques mois”. Ainsi, il estime que le risque de réinfection reste très bas. Et si cela se produit tout de même, la personne serait probablement moins symptomatique, poursuit-il, en faisant référence aux rares cas décrits jusqu’à présent.
La deuxième phase, selon le chef d’équipe à l’Institut Curie, est ce que l’on appelle la réponse mémoire. Cela veut dire qu’on n’a plus ou très peu d’anticorps dans le sang. En revanche, les cellules qui se sont chargées de leur production restent quant à elle présentes, “en dormance, en attendant la prochaine infection”, détaille le Dr Manel. Ainsi, face à une potentielle réinfection, ces cellules mémoire se réactiveraient plus rapidement et les symptômes seraient rares ou beaucoup moins importants. Il souligne d’ailleurs que ces mêmes cellules durent à vie, même lorsque les anticorps ne sont plus présents.
Une personne qui a déjà attrapé le Covid-19 peut-elle transmettre le virus ?
Avoir été malade du Covid-19 ne veut pas nécessairement dire que l’on ne peut plus transmettre le virus. Il ne s’agit pas forcément d’une “immunité dite stérilisante”, explique le Pr Schwartz, à savoir une protection qui empêche le virus d’être présent, même pour une brève période dans l’organisme. Selon le spécialiste, “il est possible que le virus colonise la zone naso-pharyngée, même si des anticorps se réactivent rapidement et bloquent le virus”. Ainsi, cela ne préviendrait pas sa présence ni sa multiplication pendant ce court laps de temps. La durée de la contagiosité serait certes réduite, avec un taux plus faible de virus produit, “mais durant cette période le risque de transmission à autrui n’est pas nul”, a-t-il expliqué. Il ajoute par ailleurs que même lorsqu’une personne est immunisée, elle peut toujours porter le virus sur ses mains, d’où l’importance des gestes barrière, même pour ceux qui ont déjà été infectés.