Coronavirus : Le Professeur Raoult présente une seconde étude « pour confirmer l’efficacité de la chloroquine » et reçoit de nombreuses critiques

Publié le 1 avril 2020

Suite à une première étude menée sur une vingtaine de patients à Marseille, le professeur Didier Raoult a une nouvelle fois partagé son optimisme quant à l’association d’un antibiotique à de l’hydroxychloroquine, un dérivé de la chloroquine. Son enthousiasme fait suite aux résultats d’une seconde étude dont il est l’auteur, portant cette fois-ci sur 80 patients. Mais si l’infectiologue confirme “l’efficacité" de ce traitement dans le cas du coronavirus, la communauté scientifique quant à elle, conteste sa méthodologie. Cette information a été relayée par nos confrères de BFMTV.

Mise en ligne ce vendredi 27 mars, l’étude qui n’a pas encore été publiée dans une revue scientifique, s’est penchée sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine, combinée à de l’Azithromycine. Selon le Pr Raoult et son équipe, 80% des patients auraient “connu une évolution favorable”. En dépit des résultats jugés encourageants par certains, l’hydroxychloroquine fait pourtant toujours débat auprès des experts.

Détails de l’étude

Menée à l’Institut Hospitalo-Universitaire (IHU) Méditerranée Infection de Marseille, l’étude a porté sur 80 patients. Selon BFMTV,  “65 patients ont connu « une évolution favorable » et sont sortis de l’hôpital au bout de moins de cinq jours en moyenne, un patient de 74 ans était toujours en soins intensifs au terme de l’étude et un autre de 86 ans était mort”. L’étude aurait également révélé que la majorité des patients avait connu une “chute rapide de leur charge virale”, ce qui aurait “permis aux patients de rapidement sortir de quartiers hautement contagieux avec une durée moyenne de séjour de cinq jours », rapporte La Dépêche.

Cet argument a toutefois entraîné le scepticisme des scientifiques. Interrogée par l’AFP, Dominique Costagliola, épidémiologiste et directrice de recherche à l’Inserm estime qu’au vu d’études chinoises ayant démontré que « 10 jours après le début des symptômes, 90% des gens qui ont une forme modérée (de la maladie) ont une charge virale contrôlée », l’obtention de résultats similaires dans le cadre de cette étude « ne plaide pas pour un effet majeur de l’hydroxychloroquine sur la charge virale ».

Pourquoi l’étude a été critiquée ?

En conclusion de l’étude, le Pr Raoult et son équipe en ont appelé à “une évaluation urgente de cette stratégie thérapeutique rentable, pour à la fois limiter la propagation du Covid-19, et traiter les patients le plus tôt possible avant que des complications respiratoires sévères et irréversibles ne se manifestent”. Mais leurs observations n’ont pas fait l’unanimité et ont suscité de nombreuses critiques.

A l’instar de la première étude menée à Marseille, c’est la méthodologie du Pr Raoult qui a à nouveau été mise en cause. Celle-ci n’a pas impliqué de groupe de contrôle, à savoir des patients auxquels le traitement n’a pas été administré. “il est donc impossible d’établir une comparaison pour déterminer si c’est bien le traitement qui est à l’origine de l’amélioration”, précise le journal Le Monde. Le Pr François Balloux, de la University College de Londres, estime quant à lui que la plupart des patients se remettent “avec ou sans traitement à l’hydroxychloroquine et à l’azithromycine”.

Face à ces critiques, l’infectiologue a défendu sa méthodologie en expliquant que son équipe avait proposé ce protocole “à tous les patients ne présentant pas de contre-indication”. Dans une tribune publiée par Le Monde avant la parution de cette étude, il avait notamment souligné, “Le médecin peut et doit réfléchir comme un médecin, et non pas comme un méthodologiste”.

Toutefois, si de nombreuses voix s’élèvent contre le Pr Raoult, certaines ne sont pas sans soutenir l’infectiologue. Philippe Douste-Blazy, ex-ministre de la Santé et ancien maire de Toulouse a manifesté sa prise de position dans une vidéo publiée sur Twitter, où il en appelle au président de la République ainsi qu’à Olivier Véran à autoriser “la prescription de la chloroquine aux malades avant qu’il ne soit trop tard ». L’homme politique demande plus précisément “un nouveau décret permettant à tous les médecins français qu’ils soient libéraux ou hospitaliers de pouvoir prescrire 600 mg de Plaquenil et 250 mg d’azithromycine par jour pendant dix jours à leurs patients atteints de COVID-19 symptomatiques”.

A savoir que depuis le jeudi 26 mars, le ministre de la Santé a autorisé et encadré par un décret publié au Journal Officiel l’utilisation du Plaquenil, un médicament à base d’hydroxychloroquine, pour les patients atteints du Covid-19. “L’hydroxychloroquine et l’association lopinavir/ ritonavir peuvent être prescrits, dispensés et administrés sous la responsabilité d’un médecin aux patients atteints par le Covid-19, dans les établissements de santé qui les prennent en charge, ainsi que, pour la poursuite de leur traitement si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial, à domicile », rapporte France 24. Interrogée par l’AFP, l’ANSM a souligné que le médicament ne serait toutefois pas “utilisable dans la prise en charge du Covid-19 en (médecine de) ville”.