Déconfinement : « On est en train de maltraiter les enfants de maternelle », affirme une directrice d’école
Si la date du 11 mai sonne comme une délivrance pour beaucoup de personnes, le coronavirus n’a pas pour autant disparu. Alors que les Français peuvent enfin circuler librement, il en va de la responsabilité de tous de respecter les gestes barrières. Certains employés ont retrouvé les chemins du bureau, les commerces rouvrent peu à peu, et…les enfants peuvent retourner à l’école. Interrogée par France info, Catherine Da Silva, directrice d’école, estime que cette décision est « quelque chose qui est maltraitant pour les enfants », et dénonce un « acharnement » du gouvernement.
C’est le jour J. Après deux mois de mise en quarantaine presque totale, la date butoir est arrivée. Le pays se remet timidement en mouvement et la population retourne doucement à une vie presque normale. Toutefois, les restrictions sont toujours en vigueur et il est plus que jamais nécessaire de faire preuve de vigilance afin de limiter les risques de transmission et de contamination. Mais comment faire comprendre l’importance des gestes barrières à des enfants, et surtout, comment leur faire respecter ? A cette question, Catherine Da Silva apporte une réponse sans équivoque. Pour elle, la rentrée scolaire sera « extrêmement difficile ».
« Il faut tout organiser »
« 85% des écoles vont rouvrir leurs portes à partir de mardi » a déclaré Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education nationale, le vendredi 8 mai au micro de France inter. Suite à cette annonce, de nombreux parents et enseignants se sont opposés à cette décision. Catherine Da Silva est directrice d’une école élémentaire à Saint-Denis et représentante du SNUipp 93, le syndicat national unitaire des instituteurs, professeurs des écoles et PEGC de la Seine Saint Denis, elle aussi est dans l’incompréhension.
Catherine Da Silva indique que son établissement ne pourra recevoir les élèves que le 18 mai. Elle ajoute que la date de la rentrée a été prolongée par le maire. La raison : un protocole de sécurité difficile à mettre en place. « Il faut tout organiser. Ils bâchent. Ils enlèvent les objets pour les enfants. On met les tables une par une, on marque au sol des passages » explique la directrice des écoles. Un processus « très complexe » qui demande beaucoup de temps et d’organisation. Et d’ajouter qu’au-delà de sa complexité, ce protocole est aujourd’hui au stade expérimental, il est par conséquent encore impossible d’être sûr de son efficacité. « Le protocole qu’on met en place, on n’a aucune certitude sur sa faisabilité. C’est quand les enfants seront là qu’on sera à l’épreuve des faits » s’inquiète-t-elle.
Elle rappelle que le Conseil scientifique avait préconisé une ouverture des écoles en septembre. Une décision qui selon elle aurait été plus sage. « Je pense qu’on aurait dû suivre son avis et prendre le temps de réfléchir à ce qu’on était en train de faire. Là, dans les maternelles, on est, à mon avis, en train de faire quelque chose qui est maltraitant pour les enfants ».
« C’est un endroit où on va stocker des enfants »
Pour Catherine Da Silva, les conditions de travail risquent d’être extrêmement compliquées. Elle explique qu’en temps normal les enseignants s’approchent tout le temps des enfants, que les élèves ont par exemple besoin de voir le visage du professeur pour déchiffrer le son d’une lettre, ce qui sera impossible si ces derniers portent des masques. Elle met également le doigt sur le fait que l’école est souvent synonyme d’atelier, ce qui suppose de manipuler pleins de petits objets qui passent de mains en mains. Or, le protocole insiste sur l’importance de nettoyer tous les objets et autres surfaces qui ont été touchés. Elle conclut que « Ce qu’on va faire en ouvrant les écoles à partir de maintenant, avec ce protocole, ce ne sera pas de l’école (…) Il faut arrêter de dire que c’est de l’école. Ce n’est pas vrai. C’est un endroit où on va stocker des enfants ».