Des psychologues révèlent à quel point la fessée nuit à la santé mentale d’un enfant
Pour certains parents, donner une gifle ou une fessée à son enfant fait partie de son éducation. Mais est-ce un acte anodin ? Selon les experts, c’est loin d’être le cas, puisque cette forme de punition corporelle peut avoir des dommages à long terme sur l’enfant.
Florence Millot, psychologue et psychopédagogue, avec l’aide d’autres spécialistes comme Stephan Valentin, psychologue et Gille Lazimi, médecin généraliste, s’intéressent à la question de plus près et tentent d’expliquer les répercussions de cette forme de violence éducative, même légère.
La fessée expliquée par les spécialistes
Pour le psychologue Stephan Valentin, la fessée constitue l’acte de donner un coup sur les fesses mais considère qu’un coup demeure toujours un coup qu’il soit léger ou appuyé. A ce propos, le Dr Gilles Lazimi, coordinateur des campagnes contre les violences ordinaires, ajoute : « Donner une fessée, c’est tenter de faire obéir un enfant par la douleur, la peur et l’humiliation, on parle de fessée, mais il serait plus juste de parler de violences éducatives ordinaires ».
Que dit la loi ?
En France, un texte de loi visant à interdire « tout traitement cruel, dégradant ou humiliant y compris tout recours aux violences corporelles » sur les enfants, a été promulgué fin 2018. Ce texte a une visée pédagogique, précisant que l’autorité parentale doit s’exercer sans violence qu’elle soit physique ou psychologique. Cette interdiction est inscrite dans le Code civil.
Certains parents visant à contrôler la situation avec des enfants désobéissants, recourent à des peines corporelles, relevant de l’agressivité et des maltraitances. Mettre des claques, donner une bonne gifle ou encore une petite fessée, est désormais interdit et la proposition de loi le stipule. Les droits de l’enfant ont été reconnus par la Convention internationale des droits de l’enfant. Les violences faites aux enfants sont souvent utilisées pour faire obéir un enfant désobéissant. Une sorte de punition qui peut commencer par une claque dans la figure, une petite tape ou des petites tapes même légères et aboutir à une violence quotidienne, voire à des violences physiques plus sévères. Mais les punitions peuvent également être verbales et faire mal comme le fait de crier et d’humilier l’enfant. C’est un système de punition et une sorte de violence considérable envers l’enfant.
La fessée : quelles conséquences sur le développement de l’enfant
Frapper, secouer, gifler, taper, pincer…Ces actes en apparence anodins, constituent une forme de punition corporelle pouvant avoir des effets négatifs sur le développement psychologique et social de l’enfant. Olivier Maurel, fondateur de l’Observatoire de la violence éducative ordinaire, estime que la violence éducative, entre autres la « bonne fessée », pourrait engendrer des traumatismes chez l’enfant. Pour le spécialiste, donner des fessées en tant que punition corporelle est considérée comme une agression qui peut causer du stress. Les hormones du stress peuvent avoir des répercussions négatives et devenir toxiques en affaiblissant le système immunitaire et en endommageant le fonctionnement du système digestif et des neurones de certaines parties du cerveau.
Par ailleurs, une étude publiée dans PEDIATRICS, qui corrobore à cet effet, les propos du spécialiste, démontre en sus que les châtiments corporels sévères infligés aux enfants pourraient être associés à des troubles de l’humeur, des troubles anxieux ou encore à une tendance à la toxicomanie.
Les séquelles pourraient donc être physiologiques en raison du stress chronique mais aussi psychologiques. La raison en est que l’humiliation ressentie par l’enfant entraînerait une baisse de l’estime de soi et de confiance. L’enfant peut cesser de s’aimer, étant persuadé que s’il est corrigé par les personnes en qui il a le plus confiance, c’est que c’est une punition méritée.
A son tour, le psychologue Stéphan Valentin explique que les fessées constituent généralement le commencement d’autres formes de maltraitance et de violence physique envers les enfants. Certains parents pour punir leurs enfants peuvent donner une tape sur les fesses, une petite gifle ou encore une petite claque, mais peuvent aller plus loin dans le châtiment corporel et infliger des punitions sévères lorsque la fessée ne donne pas de résultats.
A cet effet, Elisabeth Gershoff, chercheuse sur les châtiments corporels à l’Université du Texas à Austin, ajoute qu’avoir recours à la punition physique et corporelle ne fonctionne pas pour amener les enfants à se conformer à l’autorité parentale. Ce qui pousse certains parents à penser qu’ils doivent aggraver la punition corporelle, et constituer un danger pour l’enfant.
C’est la raison pour laquelle le Comité de l’APA sur les enfants, les jeunes et les familles, soutient l’utilisation par les parents de méthodes non physiques pour éduquer les enfants en matière d’éducation non violente et s’oppose au recours aux châtiments cruels et corporels. Preston Britner, psychologue du développement de l’enfant et professeur à l’université du Connecticut, encourage la recherche sur des alternatives aux châtiments corporels.
Quelles alternatives aux punitions corporelles ?
En réponse à cette question, Olivier Maurel stipule qu’il faut commencer par bannir toute forme de violence aussi bien psychologique, physique ou verbale, relevant d’une éducation sévère. En matière d’éducation des enfants, prononcer des mots qui blessent et des propos agressifs, mettre au coin, fesser, faire preuve de négligence ou faire subir des humiliations, sont des comportements qui peuvent être néfastes pour la santé de l’enfant.
Il est important selon le spécialiste d’être à l’écoute des émotions de l’enfant et d’entamer un vrai dialogue avec lui. En donnant le bon exemple à son enfant, ce dernier finira par reproduire le même comportement avec ses enfants ou son partenaire de vie, une fois devenu adulte. Cette mesure d’interdiction doit être adoptée aussi bien par le parent que par l’éducateur, selon le spécialiste. Les professionnels de l’enfance, les médecins, les enseignants…Tout le monde a un rôle à jouer en matière d’éducation.
Quant à la psychologue Florence Millot, elle indique que le parent doit prendre conscience du moment où il n’est plus capable de gérer le conflit. Lorsqu’il pense que son enfant le provoque et qu’il doit user de la violence pour l’arrêter, dans ce cas-là, il doit trouver des alternatives à la fessée.
En matière de proposition éducative, la spécialiste énumère les solutions suivantes pour une éducation sans violence :
- Les parents doivent montrer à l’enfant qu’il a dépassé les limites et que son comportement est inadmissible voire inacceptable. Cela peut aider à les décharger des tensions et à faire prendre conscience à l’enfant de son comportement abusif.
- Au lieu de punir un enfant, le parent peut prendre du recul et s’isoler afin de se calmer et laisser la colère s’estomper au risque de lui donner des claques ou lui faire subir des sévices corporels. Ceci dit, la spécialiste insiste sur le fait qu’il doit le faire tout en prévenant l’enfant que le sujet sera abordé ultérieurement et que ce qui s’est passé n’est pas oublié.
- Permettre à un autre membre de la famille de prendre le relais et cela peut être le conjoint ou la conjointe, ou encore un frère ou une sœur aînée afin d’éviter d’infliger une punition à l’enfant que l’on risque de regretter.
- Si le conflit se produit en extérieur, le mieux est de solliciter l’aide d’une tierce personne neutre. Cela peut permettre à contenir l’enfant qui a des conduites de non-respect, comme l’explique la spécialiste.
- S’exprimer physiquement mais pas sur l’enfant. Florence Millot, indique qu’il vaut mieux taper du pied, taper dans un coussin et laisser sa colère s’extérioriser plutôt que de frapper un enfant et recourir à des comportements violents, ce qui peut être une punition traumatisante.
- Définir un code rouge en cas de crise. A ce propos, l’experte explique que le parent peut établir une sorte de contrat avec son enfant et installer un mot clé qui signifie la cessation du conflit en cas d’énervement intense du parent et qu’il y a urgence d’arrêter et réfléchir à un moyen de s’entendre. Ceci fait partie d’une éducation bienveillante des parents aimants et des adeptes de la parentalité positive.
Par ailleurs, dans un article publié sur le site du développement des enfants, naître et grandir et révisé par la psychoéducatrice, Solène Bourque, il est mentionné qu’il est possible d’éduquer son enfant sans jamais taper ni punir sévèrement. Pour ce faire, certaines règles adaptées en fonction de l’âge de l’enfant peuvent être instaurées et expliquées à l’enfant. La spécialiste ajoute qu’il est important de féliciter l’enfant lorsqu’il agit bien et qu’il a un bon comportement vis-à-vis de son entourage mais aussi d’exprimer son désaccord lorsque l’agissement de l’enfant n’est pas acceptable. Certains parents cèdent à un enfant violent et peuvent culpabiliser en cas de punition sévère à son encontre. A cet effet, la psychoéducatrice explique qu’au lieu de recourir au châtiment sévère, il est conseillé d’apprendre à l’enfant à réparer une bêtise qu’il a commise en l’aidant dans ce sens. Ce compromis demeure préférable à une punition infligée.
Interdire la fessée a pour but de redonner de la dignité à l’enfant qui a droit au respect de son intégrité physique et psychologique.