“Didier Raoult et moi suspectons un grave scandale d’État” alerte l’avocat du professeur

Publié le 3 novembre 2020
MAJ le 17 novembre 2024

Alors qu’il avait demandé à l’Agence du médicament l’autorisation temporaire d’utiliser plus largement l’hydroxychloroquine pour traiter le Covid-19, Didier Raoult s’est heurté au refus de l’ANSM. Soutenu par son avocat, maître Fabrice Di Vizio, il reproche aux autorités politiques et sanitaires de favoriser le remedesivir au détriment de la molécule antipaludique, les deux hommes soupçonnant un “grave scandale d’état” qui justifierait cette préférence. Interrogé par Éric Verhaeghe, ancien président de l'APEC et fondateur du blog politique “Le courrier des Stratèges”, maître Di Vizio s’explique.

Fervent partisan de l’hydroxychloroquine dans le cadre de la lutte contre le virus Sars-CoV-2, Didier Raoult a à maintes reprises revendiqué l’efficacité de son traitement. Un avis qui n’a pas réussi à faire l’unanimité auprès des scientifiques. Il a ainsi formulé une demande de recommandation temporaire d’utilisation (RTU) de la molécule pour prendre en charge les patients du Covid-19, ce à quoi l’agence a répondu par la négative.

Des données “très hétérogènes et inégales”

A défaut d’avoir des études cliniques jugées probantes, l’Agence du médicament a refusé la demande du directeur de l’IHU Méditerranée Infection. Dans un point d’information publié sur son site, l’ANSM a indiqué s’être appuyée sur les dernières recommandations émises par le Haut Conseil de Santé Publique ainsi que sur les nombreuses études publiées récemment sur la sécurité et l’efficacité de la molécule préconisée par le Pr Raoult.

Au vu des informations obtenues et de données inégales et hétérogènes, l’agence a décidé qu’elle ne pouvait répondre favorablement à sa requête, compte tenu des risques cardio-vasculaires ayant été mis en avant. Par ailleurs, elle écrit également que ces données “ne permettent pas de présager d’un bénéfice de l’hydroxychloroquine, seule ou en association, pour le traitement ou la prévention de la maladie Covid-19”.

L’ANSM souligne par ailleurs que sa décision reste en phase avec la “très grande majorité des recommandations thérapeutiques internationales”, précisant qu’elle pourra être néanmoins révisée si le constat existant à ce jour venait à être modifié par de nouvelles études cliniques.

“Les autorités sanitaires et politiques cachent quelque chose”

Selon un article du Parisien daté du 29 octobre, c’est au tribunal que se jouera la bataille sur l’hydroxychloroquine. Et pour cause, Didier Raoult aurait contacté et mandaté maître Fabrice Di Vizio pour contester la décision de l’ANSM. La requête en annulation consultée par le quotidien aurait été envoyée au Conseil d’Etat jeudi dernier, suivie d’une plainte le vendredi pour “mise en danger de la vie d’autrui” contre l’agence et son directeur, Dominique Martin.

A ce sujet, Fabrice Di Vizio et Didier Raoult accusent les autorités politiques et sanitaires d’un manque de transparence, notamment en ce qui concerne l’antiviral remdesivir du laboratoire Gilead, qu’ils estiment être favorisé au détriment de l’hydroxychloroquine. Ces accusations ont été démenties par les personnalités visées et les organismes en question.

“Un grave scandale d’état derrière la préférence pour le remdesivir”

Didier Raoult qui n’en est pas à sa première accusation contre les laboratoires pharmaceutiques semble à nouveau dénoncer des conflits d’intérêts, et son avocat indique partager ses doutes. Dans une vidéo mise en ligne par le blog le Courrier des Stratèges, maître Di Vizio se confie sur leurs soupçons partagés à ce sujet. Pour l’avocat, c’est en sa qualité de juriste qu’il s’intéresse à cette affaire et défend le pr Raoult puisqu’il n’est “pas médecin, encore moins infectiologue” pour juger de l’efficacité de la molécule. “Je vais être clair, je m’en fous complètement de savoir si elle marche (l’hydroxychloroquine, ndlr)”, lance maître Di Vizio, soulignant que ce n’est pas l’objet du débat.

Didier Raoult

En revanche, “il se passe un truc”, poursuit l’avocat. “Un truc qui a l’odeur du scandale de santé publique, la couleur du scandale de santé publique, qui a la forme du scandale de santé publique”, lance Fabrice Di Vizio. Si pour l’heure, il ne fait part que d’une intuition, il révèle néanmoins que le Pr Raoult a dépassé cette phase de doute et qu’il est constant dans ses propos, soulignant depuis février qu’ ”on cherche à vendre le remdesivir”. Des accusations qui lui avaient valu les critiques acerbes du collectif Euro For Docs, contacté par France Info durant le mois de juillet.

Une confusion entre “liens” et “conflit” d’intérêt

La plateforme avait dénoncé une “instrumentalisation” de ces liens d’intérêt, soulignant que « Le professeur Raoult détourne l’attention du problème qui le concerne lui avec l’hydroxychloroquine”, ajoutant également que ce n’est pas parce que l’infectiologue n’a pas de liens d’intérêt que l’hydroxychloroquine est efficace. “Et donc ce n’est pas parce qu’il dit quelque chose de vrai sur les liens d’intérêt de certains membres du Conseil scientifique avec Gilead qui produit le remdesivir que cela suffit à valider son traitement”, conclut le collectif.

Interrogé par le Parisien, l’avocat de l’infectiologue marseillais avait quant à lui déclaré que le juge pénal permettra de savoir s’il n’y a pas de lien entre des membres du laboratoire Gilead et ceux de l’ANSM. Des attaques que Didier Raoult avait également formulé lors de son audition parlementaire à la fin du mois de juin.

Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique lui avait alors reproché d’établir une confusion entre “liens” et “conflit” d’intérêt, révèle France Info, les deux notions étant distinctes. Un avis partagé par Christian Celdran, co-animateur de la commission santé d’Anticor (une association anticorruption agréée par le ministère de la justice, ndlr) qui explique que déduire qu’un lien d’intérêt donne forcément lieu à un conflit d’intérêt est “une appréciation qui relève du juge, ou alors c’est de la calomnie ».