Jane Goodall : “L’humanité est finie si elle ne parvient pas à s’adapter après le Covid-19”

Publié le 15 juin 2020

Depuis son émergence à Wuhan en Chine, le nouveau coronavirus a contaminé plus de 7,5 millions d’habitants dans le monde entier. France, Royaume-Uni, Italie, Brésil, Espagne, Etats-Unis, plus de 190 pays et territoires ont été touchés. En effet, le virus Sars-CoV-2 s’est propagé à une vitesse inattendue dans les quatre coins de la planète. Et pour certains scientifiques, l’humanité n’est pas sans détenir une certaine part de responsabilité. Jane Goodall, primatologue britannique engagée dans la défense de l’environnement et des animaux s’est exprimée à ce sujet lors d’un événement virtuel organisé par l’ONG Compassion in World Farming (CIWF). Selon l’experte, “l’humanité est finie si elle ne parvient pas à s’adapter après la Covid-19”. Ses propos ont été relayés par nos confrères du journal The Guardian.

A l’instar d’autres naturalistes qui pointent du doigt le rôle indirect de l’homme dans l’émergence de certaines maladies, Jane Goodall, 86 ans, estime que l’humanité nuit de plusieurs manières à son environnement. Dans un documentaire inédit sorti en avril sur la chaîne National Geographic, elle affirmait que le mépris de l’homme pour la nature et son manque de respect pour les animaux étaient à blâmer pour l’émergence d’une pandémie. En cause, la destruction des forêts, la proximité forcée des animaux, la transmission favorisée des maladies et le contact de plus en plus étroit avec les humains.

Dans un effort de sensibilisation, elle s’exprime à nouveau lors d’un événement de la CIWF. Pour la primatologue, “l’humanité sera “finie” si nous ne parvenons pas à changer foncièrement nos systèmes alimentaires en réponse à la pandémie de coronavirus et à la crise climatique”.

Une surexploitation du monde naturel

Pour cette militante de longue date, l’émergence de la maladie du Covid-19 découle d’une surexploitation du monde naturel. Elle en appelle à changer nos habitudes alimentaires et notamment à s’éloigner de l’agriculture industrielle en raison de son impact sur le climat et de la menace de pathologies pouvant infecter l’Homme. “Si nous n’opérons pas différemment, nous sommes terminés” déclare Jane Goodall, puis d’ajouter “nous ne pourrons pas continuer comme ça très longtemps”. La raison ? l’élevage industriel favoriserait la montée de superbactéries résistantes aux antibiotiques et finirait de ce fait, par menacer notre santé, rapporte The Guardian.

Elle soulève également la problématique de la pauvreté qui pousserait les personnes sans alternative à abattre des forêts pour survivre ou à choisir la nourriture la moins chère en dépit des conditions de production, sans oublier le rôle de la violence et des conflits qui alimentent la destruction de la planète.

Une surconsommation inutile

Pour la primatologue, nos habitudes et certains comportements démesurés ne font qu’aggraver le problème. Elle pointe du doigt un consumérisme excessif ainsi qu’un besoin “de choses que nous accumulons” sans nécessairement en avoir besoin. Pour l’octogénaire engagée, c’est aux personnes les plus favorisées de faire pression sur les dirigeants pour éviter l’exploitation de la nature et le recours à l’agriculture industrielle.

“Nous avons atteint un tournant dans notre relation avec le monde naturel” avertit l’éthologue qui souligne que la fenêtre d’opportunité pour opérer des changements est minime avant de voir de véritables dangers apparaître. Engagée dans la préservation de la faune et de la flore, elle préconise une alimentation moins néfaste à l’environnement, essentiellement axée sur des plantes, “pour le bien des animaux, de la planète et de la santé de nos enfants”.

Le trafic d’animaux sauvages

Dans une tribune de nos confrères du Monde publiée début mai, elle mettait déjà en garde contre l’impact de l’homme sur son environnement. “La pandémie est liée à notre manque de respect pour le monde naturel”, expliquait l’éthologue, inquiète quant au trafic de la faune sauvage. Lorsque ces animaux sont vendus dans des marchés, entassés dans des cages, le risque de contact avec des substances est d’autant plus important. Urine, matières fécales ou tout autre sorte de fluides corporels peuvent favoriser la propagation de virus d’hôtes animaux jusqu’aux vendeurs ou aux consommateurs.

Un avis partagé par Bruno David, président du Muséum national d’histoire naturelle. Selon le naturaliste, notre promiscuité avec les animaux sauvages est problématique, soulignant que “la meilleure chose à faire, c’est de respecter au mieux les environnements, de moins faire de déforestation, se tenir plus à distance des espèces sauvages, donc ne pas aller sur leurs territoires, ni les faire venir sur nos territoires”.