Le coronavirus serait « l’infection respiratoire la plus facile à traiter » d’après un médecin marseillais

Publié le 11 mars 2020
MAJ le 17 novembre 2024

Plusieurs appellations voient le jour pour désigner une seule et même maladie infectieuse se propageant partout dans le monde : Coronavirus, Sars-CoV ou encore Covid-19. Les souches du virus sont massivement étudiées à l’échelle internationale sans qu’aucun traitement spécifique ne soit encore confirmé. La chloroquine, un antipaludique réputé est au coeur des interrogations en France. Jérôme Marty, médecin généraliste a lancé le débat sur BFM TV suite à une annonce du Pr Didier Raoult, médecin spécialiste des maladies infectieuses. Celui-ci serait désormais autorisé à suivre cette piste de traitement à Marseille selon Ouest France et France 3.

“Ce serait l’infection la plus facile à traiter”, peut-on entendre à partir de la 22ème minute d’une vidéo de BFM TV. Rapportés par le Dr Marty, les propos du Dr Didier Raoult vantent une découverte de chercheurs chinois en ce qui concerne d’éventuels traitements du coronavirus. La chloroquine, un antipaludique bien connu, permettrait de traiter efficacement le Covid-19 selon ces derniers. Une annonce amplifiée par le Pr Raoult selon lequel cela sonnerait « la fin de partie » pour l’épidémie de coronavirus. Explications.

médecin marseillais

Des propos loins de faire l’unanimité

Alors que l’épidémie du coronavirus prend de l’ampleur, le Pr Didier Raoult, médecin spécialiste des maladies infectieuses, et directeur de l’Institut hospitalier universitaire Méditerranée-Infections de Marseille semble partager des avis particulièrement tranchés sur la manière de faire face à la propagation de virus. “C’est l’infection respiratoire la plus facile à traiter” suggérait-t-il fin février, en s’appuyant sur des études pharmacologiques chinoises vantant les effets thérapeutiques de la chloroquine, une molécule utilisée dans le traitement du paludisme.

Mais comme l’explique l’AFP, il s’agirait en réalité d’une “brève publication” scientifique, relatant un essai clinique mené dans des hôpitaux chinois pour juger de “l’efficacité de la chloroquine” pour traiter des pneumonies liées au Covid-19. Toujours selon la publication, elle aurait donné lieu à des résultats encourageants suite à des essais menés sur “plus de 100 patients”.

Bruno Hoen émet également des critiques dans un article de l’Express. Pour le Directeur de la recherche médicale de l’Institut Pasteur, ce document “relève moins d’une étude scientifique que d’un communiqué, d’une déclaration de résultats”, puis de poursuivre, “S’il existe des données plus détaillées, je ne les ai pas vues ».

Interrogé par le 20 Minutes, le professeur aux propos tranchants insiste : «Les scientifiques chinois sont des gens très sérieux. Ce ne sont pas des zozos, et ils ont montré que la chloroquine marche. Ça serait honnêtement une faute médicale que de ne pas donner de la chloroquine au coronavirus chinois. Ça n’a pas de sens. Soyons sérieux.».

La chloroquine, une piste ‘très préliminaire”

Dans un article scientifique faisant état des recommandations consensuelles par les experts dans le traitement du coronavirus, le phosphate de chloroquine est conseillé avec une dose de 500 mg deux fois par jour pendant 10 jours. Néanmoins, si la molécule est disponible et peu coûteuse, son utilisation est loin de faire l’unanimité chez les médecins et spécialistes. En effet, plusieurs critiques virulentes se sont emparées des propos du Dr Raoult, accusé de ne pas “pondérer” face à une molécule qui peut avoir des effets secondaires importants selon Gilbert Deray, néphrologue à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, et à des études à considérer avec précaution car encore limitées.

Parmi les spécialistes prudents, François Maignen, docteur en pharmacie et expert de santé publique, a commenté ces informations selon l’Agence Française de presse (AFP) en appelant à la méfiance : « Il faut être extrêmement circonspect et prudent », avant d’ajouter qu’ « il faut avoir à disposition les protocoles, pour savoir comment l’étude a été conduite, quels ont été les critères d’évaluation, la population de patients ».

De son côté, Martin Hirsch, directeur général de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris), affirme au micro d’Europe 1, que la chloroquine est exclusivement efficace in vitro, c’est à dire lorsqu’elle est utilisée comme traitement du virus dans une éprouvette, mais qu’elle “n’a jamais marché chez un être vivant ». L’Inserm explique ce qui se passe in vitro : la réplication du virus est certes stoppée, mais il ne faut pas en tirer des conclusions trop hâtives ou céder à la tentation de se faire prescrire des anti-paludiques sans connaissance préalable de ses effets par la communauté internationale. Si l’efficacité et la tolérance des patients face à ce traitement sont avérées, ces informations doivent être “publiées et donc rendues accessibles” pour octroyer aux scientifiques une visibilité sur ces données, poursuit l’Inserm.

Selon Libération, les voix qui s’élèvent contre la précipitation du Dr Didier Raoult à défendre la chloroquine, comptent également l’adhésion de Xavier Lescure, spécialiste des maladies infectieuses à l’hôpital Bichat, qui dit “attendre des preuves” car les résultats bruts ne sont pas une garantie de l’efficacité du traitement.

“La chloroquine testée sur 24 patients à Marseille”

Dans une vidéo plus récente publiée ce lundi 9 mars, le Pr Raoult annonce avoir obtenu le feu vert pour des tests à base de chloroquine sur des patients à l’IHU Méditerranée Infection de Marseille. L’information rapportée par de nombreux médias dont le 20 Minutes fait suite aux propos du professeur énoncés fin février. Selon ce dernier, l’un des objectifs de cette étude serait “de faire diminuer le portage viral” à 4 jours. Cette durée aurait été mise en avant par les scientifiques chinois.

A l’heure actuelle, il est encore difficile de se prononcer sur son efficacité. Les prochains résultats pourront confirmer ou infirmer cette hypothèse.