Les statines sont inefficaces pour réduire le risque de décès prématurés d’après une nouvelle étude
Une fois de plus, des chercheurs remettent en cause l’efficacité des statines sur les risques de mortalité cardiovasculaire. Ces médicaments prescrits pour contrer le cholestérol LDL, considéré comme le “mauvais” cholestérol, divisent les spécialistes depuis quelques années. Aujourd’hui, une nouvelle étude publiée par le Biomedical Journal place ce traitement sur le banc des accusés. Ses conclusions ne font pas l’unanimité, comme le rapporte The Telegraph.
Les statines représentent le traitement de référence dans la réduction des risques de mortalité et d’accidents cardiovasculaires graves. Pour autant, les scientifiques ne semblent pas tous être en accord avec son efficacité.
L’un des auteurs de l’étude publiée par le BMJ n’est autre que le Dr Michel de Lorgeril, de l’Équipe Coeur & Nutrition à l’université de Grenoble. En 2015, ses propos virulents à l’encontre de ce traitement n’étaient pas passés inaperçus, suscitant la controverse dans le milieu de la cardiologie.
Aujourd’hui, c’est aux côtés du Dr Robert DuBroff, de l’université du Nouveau-Mexique aux Etats-Unis et du Pr Aseem Malhotra, cardiologue également réputé pour ses opinions controversées sur l’alimentation qu’il collabore à une étude publiée par le Biomedical Journal Evidence-Based Medicine. Selon leurs conclusions, les statines ne seraient pas efficaces pour réduire les risques de décès prématuré. Qu’en est-il vraiment ?
L’étude a analysé les résultats de 35 essais cliniques
Cette revue systématique a porté sur des essais cliniques, comparant des médicaments de soins classiques ou placebo à un traitement sur une période d’au moins un an chez des patients à risque avec l’un des trois types de médicaments hypocholestérolémiants : l’ézétimibe, les anti-PCSK9 et les statines.
Les chercheurs ont ensuite calculé le nombre de patients nécessitant un traitement pour prévenir le risque d’accident vasculaire cérébral, de décès ou d’événement cardiovasculaire. Selon leur analyse relayée par The Telegraph, 75% des essais n’ont pas rapporté d’impact positif sur le risque de décès prématuré et près de 50% d’entre eux n’ont rapporté aucun effet positif sur de futurs risques de maladie cardiovasculaire.
Le Dr DuBroff souligne que prendre le cholestérol LDL pour cible est censé prévenir les événements cardiovasculaires chez les patients les plus à risque tout en évitant des traitements inutiles chez les personnes à risque faible. “Malheureusement, le modèle axé sur les risques ne réussit pas à atteindre ces objectifs », peut-on lire sur l’étude.
En conclusion, les chercheurs déclarent que “ces études suggèrent que, malgré l’utilisation généralisée des statines, il n’y a pas eu de déclin correspondant au risque d’événements cardiovasculaires ou de mortalité cardiovasculaire”, ajoutant même qu’il “existe des preuves que l’utilisation des statines peut conduire à des comportements malsains qui pourraient en réalité, augmenter le risque de maladies cardiovasculaires”.
Selon le Dr DuBroff, “en considérant que des douzaines d’essais sur la réduction du cholestérol LDL ont échoué à démontrer des bienfaits constants, nous devrions remettre en question la validité de cette théorie”.
Des experts insistent sur l’efficacité des statines
En réponse à cette étude, certains experts ont exprimé leur désaccord quant à ses conclusions. Parmi eux, le cardiologue et professeur Robert Storey, de l’université de Sheffield. “Il y a énormément de preuves qui montrent que le cholestérol LDL ou le “mauvais cholestérol est en grande partie responsable de l’accumulation de graisse dans les vaisseaux sanguins alimentant le coeur, le cerveau et d’autres parties du corps”, martèle l’expert.
Il souligne par ailleurs que les traitements pour réduire le cholestérol, tels que les statines, ont contribué à une diminution importante du risque chez les patients souffrant des types les plus communs d’AVC ou d’arrêt cardiaque.
Il apporte néanmoins une nuance en précisant que “là où les preuves sont moins claires, c’est l’utilisation de traitements visant à réduire le cholestérol chez des personnes n’ayant démontré aucune preuve d’artères bouchées”.
De son côté, Alan Hughes, professeur en physiologie et pharmacologie cardiovasculaire à l’University College de Londres pointe du doigt “une analyse erronée des données publiées”, ajoutant que contrairement aux conclusions des chercheurs, il estime qu’il y a “des preuves convaincantes que les statines réduisent la mortalité totale et les événements cardiovasculaires”.
Un avis rejoint par le Pr Sir Nilesh Samani, directeur médical de la British Heart Foundation, qui défend leur utilisation, soulignant qu’ “il ne fait aucun doute que les statines sauvent des vies” et que toute préoccupation concernant leur usage doit être discutée avec son médecin traitant.
Statines : une efficacité peu probante sur les plus de 75 ans sans antécédents cardiovasculaires
Une méta-analyse publiée en 2019 par la revue The Lancet a étudié les données de 28 essais cliniques pour évaluer l’efficacité et la sûreté des statines chez les sujets âgés. Selon ses auteurs, une diminution significative d’événements cardiovasculaires majeurs a été observée chez toutes les tranches d’âge. Néanmoins, les scientifiques rapportent qu’il y aurait moins de “preuves directes de bienfaits chez les patients âgés de plus de 75 ans” sans antécédents cardiovasculaires.
Une étude française publiée la même année dans The American Journal of Medicine présente des conclusions similaires. En utilisant une méthodologie différente, ses auteurs dont Julien Bezin du Centre de recherche Inserm-université de Bordeaux concluent que dans leur échantillon, “10 % des mises sous statine après l’âge de 75 ans l’étaient en prévention primaire sans facteurs de risques modifiables, ce qui correspondrait à environ 13 000 patients par an en France pour lesquels on peut s’interroger sur le bénéfice du traitement”, rapporte Le Monde.