Marinaleda : un village 100% autogéré, sans chômage, avec logements gratuits et très peu de policiers

Publié le 4 mai 2021
MAJ le 15 novembre 2024

Ce village fait rêver tous ceux qui aspirent à un territoire démocratique et citoyen. Découvrez Marinaleda, un village de Séville 100% autogéré, avec peu de policiers, quasiment pas de chômage et les logements sont gratuits. Un monde à part loin du système capitaliste.

On le qualifie d’utopie mais il est bel et bien réel. Le nom de ce paradis perdu ? Marinaleda, un village qui attire ceux qui aspirent à une vie loin de l’individualisme. Relayé par nos confrères de France Inter, cet îlot politique est hors du temps.

Un territoire gagné avec la contestation

Si aujourd’hui le village de Marinaleda existe depuis plus de 40 ans, créer cette utopie qui paraît folle n’a pas été une mince affaire. Avec ces 2700 habitants, ce bout de terre est régi par la démocratie participative où chaque citoyen a son mot à dire sur la gouvernance. Ce territoire était d’abord possédé par un grand propriétaire agricole et proche ami du Roi. Seulement, dans les années 80, les ouvriers se sont révoltés pour récupérer les terres qu’ils cultivaient. « La tierra para el que trabaja » La terre à qui la travaille, était le slogan qu’ils scandaient lors de leurs protestations pour créer cette utopie bel et bien concrète. Résultat : 12 ans plus tard, les 1200 hectares de terrains appartiennent à ceux qui la cultivaient. Ici, chacun dispose de son propre potager et est entièrement autosuffisant.

Manolo était l’un des pionniers de l’aventure Marinaleda. Source : Radio France/ Isabelle Labeyrie

« La guerre sociale contre le capital »

Dans ce village, tout est à tous. On peut y voir des champs prospères exploités de façon coopérative. Aucun patron, et un salaire commun versé à tous les exploitants de la terre, à savoir 1250 euros par mois. Le mot « utopie » apparaît régulièrement sur les murs de Marinaleda, pourtant ces habitants ont rendu cet idéal possible. Beaucoup de références communistes sont gravées dans les sites de ce village comme une rue nommée Che Guevara et une fresque où est inscrite la devise : « La guerre sociale contre le capital ». A raison, puisque ni le pouvoir de décision ni les fonds financiers n’appartiennent à une élite. Pour prendre les grandes décisions concernant la gestion de ce territoire 100% autogéré, des assemblées générales où l’on vote à main levée sur des sujets divers, des impôts aux horaires de la piscine municipale. Un modèle radicalement différent des villes urbaines.

En entrant dans le village, vous pouvez lire : Marinaleda, en lutte pour la paix. Source : Radio France/ Isabelle Labeyrie

Tout le monde met la main à la pâte

Tous les habitants participent à la pérennité de Marinaleda. Source : Mirror

Aux grands pouvoirs incombe d’importantes responsabilités. Cette idée séduisante implique que tous les habitants participent à la pérennité de Marinaleda. Lors des dimanches rouges, chacun doit nettoyer la rue et ce, bénévolement, et cette responsabilité va même plus loin. Pour éviter la spéculation immobilière, les habitants construisent eux-mêmes leur foyer avec l’aide de la mairie du village avec une participation à hauteur de 25 000 euros par mois. Résultat : le loyer est de 15 euros par mois. Une ville qui siérait particulièrement aux soucieux de faire des économies puisque le stress lié à l’argent peut rendre malade.

« Replacer l’humanité au cœur de l’économie »

Juan Manuel Sanchez, maire et défenseur de Marinaleda. Source : Mirror

C’est la devise de Juan Manuel Sanchez, l’un des premiers dans la révolution antifranquiste. Maire depuis plus de 40 ans, c’est le plus infatigable défenseur de l’utopie Marinaleda. Pour autant, le fervent communiste n’est pas très optimiste pour l’avenir du village 100% autogéré. Et il en est en partie responsable puisque plusieurs citoyens ont voulu tourner cette page historique en raison de sa personnalité autocratique. Une limite à ce rêve communiste qui n’a pas de beaux jours devant lui. « Certains jeunes trouvent normal de payer 15 euros par mois. Ils ne voient pas pourquoi ils devraient s’impliquer pour préserver ce modèle », analyse l’élu qui ne décolère pas devant ces nouvelles générations. « Qu’ils sortent du village et aillent à Madrid, à Barcelone, à Séville, ils se rendront compte », se révolte-t-il.

L’engouement des Français

Marinaleda n’a pas séduit que les ouvriers de Séville. Cet eldorado du « tout est à tous » a suscité la curiosité des intellectuels et des nostalgiques du régime. Le plus étonnant ? Les Gilets Jaunes ont également fait un crochet par le village utopique aux chiffres économiques enviables. Francis Banchet, militant de la gauche radicale français s’enthousiasme : « Bien sûr qu’ils peuvent s’en inspirer ». Cet engouement ne semble pas déranger le maire qui s’amuse de cette curiosité de tous les pays. « J’en ai encore qui viennent en avril, je ne sais même pas qui c’est mais je les accueille quand même », s’amuse celui qui assure que le modèle de Marinaleda peut être appliqué dans tous les pays. Un village qui rend heureux et qui prouve que le matérialisme rend toujours insatisfait et frustré.