Un chirurgien accusé d’avoir utilisé en secret une méthode « non conforme » sur une centaine de patients provoque un scandale à l’hôpital de Gap

Publié le 1 novembre 2020

C’est à l’hôpital de Gap qu’un médecin a émis de graves accusations à l’encontre de l’un de ses confrères. En effet, il lui reproche d’avoir utilisé une centaine de patients souffrant du dos comme “cobayes” pour tester une procédure chirurgicale non validée en France et ce, sans les prévenir au préalable. Une enquête a été ouverte par le parquet de la commune, rapportent nos confrères du Parisien.

Suite aux résultats d’une expertise judiciaire, Florent Crouhy, procureur de la commune française de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur a saisi les enquêteurs de l’OCLAESP, Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique. Cette décision fait suite aux accusations émises par le Dr Raouf Hammami, 52 ans, chirurgien orthopédique à l’hôpital où se seraient déroulés les faits. Selon lui, le docteur Gilles N., spécialiste du rachis, “a joué à l’apprenti sorcier” avec ses patients. 

Une enquête préliminaire ouverte

Une investigation a été lancée pour lever le voile sur cette histoire et évaluer les accusations du Dr Hammami, pour “recherche biomédicale sur une personne sans son consentement” et “recherche biomédicale sans obtention de l’avis favorable du comité de protection des personnes et de l’autorisation de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament” révèle l’article du Parisien.

Le chirurgien a-t-il réellement testé un protocole sur ses patients sans leur consentement ? C’est ce qu’affirme en tout cas le médecin lanceur d’alerte. Tout aurait commencé en 2018, lorsque ce dernier révèle avoir découvert que son confrère jouait à “l’apprenti sorcier”. Une centaine de patients seraient concernés par ses accusations.

Des injections de ciment dans les disques de la colonne

Le Dr Hammami, chef du service de chirurgie orthopédique à l’hôpital de Gap déclare être tombé sur une étude menée par son collègue entre 2015 et 2017. Selon ses propos, ce dernier aurait expérimenté une technique connue sous le nom de cimentoplastie discale sur 87 patients, en dehors de toute réglementation. En effet, si l’injection de ciment  peut être réalisée en France pour renforcer les vertèbres fragilisées, son confrère, identifié sous le nom du Dr Gilles N., en aurait quant à lui directement injecté dans les disques de la colonne vertébrale.

“ Quand vous faites du dur dans du mou, cela ne peut pas tenir”, explique le Dr Hammami. “Il peut y avoir des fuites de ciment et des complications au niveau des nerfs, des artères. Avec un risque vital en cas d’hémorragie”, précise le chirurgien. C’est ainsi qu’il lance l’alerte en 2018 en prévenant le procureur, le directeur de l’hôpital, l’Agence Régionale de Santé (ARS) et le conseil de l’ordre. Le motif ? “Mise en danger de la vie d’autrui” et “faute grave délibérée”. Des accusations graves qui sont loin de représenter des cas isolés dans cette profession.

Un manquement au code de déontologie médicale

Suite à ces accusations, l’ARS a eu recours à deux experts pour évaluer les faits. Selon leur rapport présenté en 2019, le constat est accablant. Et pour cause, il semblerait que le Dr Gilles N. ait utilisé “une technique non conforme aux données de la science chirurgicale au moment des faits”.

L’accusé aurait dû prendre l’avis d’un Comité de Protection des Personnes ou d’un comité d’éthique, soulignent les professeurs, ajoutant qu’en accord avec la loi, ce dernier aurait également dû expliquer de manière “claire, intelligible et loyale” à chaque patient impliqué dans cette affaire “l’aspect dit novateur de la technique qu’il devait utiliser”.

Leur conclusion ? Le Dr N. n’a pas respecté le code de déontologie médicale. Un avis partagé par la Société française de chirurgie rachidienne qui a également révélé qu’au vu des connaissances actuelles, la technique utilisée, à savoir la cimentoplastie discale, “devait être considérée comme non validée en France”.

La réponse de l’avocat du Dr Gilles N.

Sollicité par le Parisien, le Dr N. a laissé maître Alexis Chabert, son avocat, prendre la parole. Ce dernier indique à cet effet que son client ne considère pas la cimentoplastie discale comme une procédure innovante vu qu’elle aurait été présentée dans des congrès médicaux et utilisée par des confrères à l’étranger. L’étude en question aurait par ailleurs été menée “en toute transparence” souligne maître Chabert, “avec l’assentiment du CHU de Nice”. L’établissement contacté par le quotidien n’aurait pas répondu au sujet de cette affaire.

Le Dr Hammami, suspendu de ses fonctions

Alors que des patients se sont plaints d’une aggravation de leur état, notamment un patient du nom de Bruno Chevalier qui souhaite créer une association pour les victimes, le Dr N. continuerait encore d’exercer. Le Dr Hammami en revanche aurait été suspendu depuis plus d’un an et demi. Selon Yann Le Bras, directeur de l’hôpital de Gap, cette décision serait liée à des tensions exacerbées et à des menaces émises par le chirurgien envers plusieurs praticiens qui ne garantissaient plus “la sécurité des soins au sein du service”. Une mesure injustifiée pour le Dr Hammami qui estime qu’on cherche à le “faire taire”. “Le tribunal administratif a ordonné ma réintégration. Pourtant, je reste sans travail”, déclare le chirurgien qui dénonce un acharnement. A ses yeux, le plus urgent est d’informer les patients des risques qu’ils encourent suite à ces opérations menées par le Dr N. “Certains sont en danger suite à des fuites de ciment. Plusieurs ont déjà dû être réopérés”, a-t-il confié au Parisien.