Vous ne supportez pas les bruits de mastication ? Vous êtes probablement misophone

Publié le 8 juin 2021
MAJ le 15 novembre 2024

Sifflements, mastication, bruits aigus sont autant d’éléments que l’on peut trouver désagréables. Pour certains, ces derniers peuvent être insupportables et impacter leur système nerveux. Leur nom ? Les misophones, qui développent un trouble anxieux se caractérisant par des réactions comportementales inquiétantes.

Ressentir une gêne lorsque quelqu’un émet ou provoque un bruit désagréable est normal. Pour autant, lorsque l’on est véritablement misophone, cela agit sur les circuits neurologiques et on ne peut supporter d’entendre un bruit spécifique. Ce trouble anxieux n’est pas lié à une sensibilité auditive, une dysfonction des tympans ou à des acouphènes.

Qu’est-ce que la misophonie ?

Expliqué par nos confrères de LCI, ce trouble anxieux provoqué par un son peut être enclenché lorsque l’on entend des bruits de bouche, des tintements de fourchette, le cliquetis d’un stylo ou encore le son de la mastication. Chez certains, ces sons répétitifs peuvent causer une véritable irritabilité qui cause un calvaire auditif à la personne qui y fait attention. Etymologiquement, la « misophonie » est « la haine du son » et constitue un trouble anxieux. Le médecin célèbre Michel Cymes explique que nous sommes tous misophones à des degrés différents. Lui-même a un véritable blocage avec les sons émis par les autres. L’expert estime qu’il y aurait environ 15% de misophones en France. Jérôme Palazzolo, psychiatre, explique que le fait de simplement être agacé par un bruit ne veut pas dire que l’on est misophone. « En revanche, il y a nécessité d’intervenir lorsque cela a un impact sur le mode de fonctionnement de l’individu, sur son comportement ; bref, lorsque ces bruits vous gâchent littéralement la vie ! », recommande l’expert. Et pour cause, avoir une irritabilité excessive face à un son que quelqu’un d’autre produit peut conduire à un mal être et à des difficultés relationnelles.

La misophonie est une pathologie. Source : Marie Claire

D’où vient la misophonie ?

Entendre les sons et réagir de façon excessive par de l’irritabilité, de la colère ou en ressentant un mal-être important sont des éléments qui prouvent ce trouble anxieux. A l’instar des troubles obsessionnels compulsifs ou des phobies, un stimuli sonore perçu comme insupportable peut engendrer des symptômes similaires tels que la nervosité ou l’angoisse.  « Nous sommes des organismes complexes, dont la santé mentale varie en fonction de réactions biochimiques qui ont lieu dans notre cerveau », indique le médecin. Il ajoute que nous sécrétons constamment des neurotransmetteurs qui véhiculent des informations de neurones à un autre. La misophonie peut être liée, comme tout trouble nerveux, à une surproduction ou un manque de sérotonine ou de dopamine. Vous l’aurez compris, cette pathologie n’implique pas la consultation d’un médecin ORL car elle ne traduit pas une déficience auditive, un trouble de l’audition ou le dysfonctionnement d’un tympan.

Comment surmonter ces symptômes lors de l’exposition au bruit ? 

L’un de ces troubles psychiatriques qui apparaît lors d’un bruit désagréable pour le sujet n’est pas inéluctable. Des médicaments peuvent être prescrits afin de réguler le nombre de neurotransmetteurs afin de prévenir et d’atténuer les symptômes. « L’intervention thérapeutique doit réellement s’envisager à plusieurs niveaux », indique Jérôme Palazzolo. Et d’ajouter : « Connaître le fonctionnement d’une cellule de foie, poursuit-il, ne permet pas de comprendre quelle est l’action de cet organe dans sa globalité. De la même manière, connaître la dynamique d’un groupe ne permet pas de comprendre comment chacun de ses membres réagit individuellement. On ne peut donc aborder la misophonie que si on la considère au centre d’un réseau d’interactions multiples ». Le spécialiste explique que ce trouble est à la fois d’origine biologique en raison de l’excès ou du manque de ses neurotransmetteurs mais aussi de la personnalité d’une personne misophone et de son environnement. Ainsi, si elle est particulièrement vulnérable au stress et que son environnement est anxiogène, il y’a plus de chances qu’elle souffre de ces sensations parfois intenses qui empêchent la relaxation.

Stress et misophonie. Source : Doctissimo

« Modifier directement les comportements désadaptés » 

Comme l’explique le psychiatre, la misophonie résulte d’un ensemble de causes qui peuvent aller de paramètres biologiques à environnementaux. C’est pour cette raison que le misophone peut potentiellement soigner ce trouble avec la prise de médicaments comme les antidépresseurs en raison de leur action sur la production de sérotonine. Les experts recommandent également la thérapie cognitivo-comportementale (TCC) qui consiste préalablement à élaborer un plan d’action avec son thérapeute où psychiatre. « On va chercher à modifier directement les comportements désadaptés afin de permettre à la personne qui souffre de misophonie de se libérer rapidement des symptômes qui la font souffrir », décrit le médecin.  Il ajoute que l’objectif de cette méthode est de désapprendre les comportements liés à l’exposition au bruit désagréable et qu’ainsi, ce dernier n’a pas un impact aussi important sur la vie du sujet et son comportement au quotidien. Le champ d’action de cette approche de soin est également de mieux conscientiser ses pensées, ses sentiments et ce que l’on ressent dans son corps ou son mental pendant l’instant présent. Ces séances thérapeutiques permettront également d’identifier le moment de l’apparition d’un symptôme ou de plusieurs, les conséquences sur la vie sociale du misophone et la réaction de l’entourage. En coopération avec le praticien, le patient comprend à l’aide d’exercices comment venir à bout de ce trouble qui est particulièrement présent dans un environnement stressant qui provoque l’anxiété.

Quelles sont les conséquences de la misophonie ?

Alana Biggers, spécialiste en médecine interne explique les origines de cette pathologie anxieuse et ajoute qu’elle est symptomatique de modifications cérébrales lorsque la personne misophone est exposée au dit son désagréable. A ce moment, le cerveau déclenche une réaction de combat ou de fuite qui peut se manifester par de la rage, de la panique, de l’évitement voire de la dépression.

La misophonie. Source : Metro

Quels sont les sons qui peuvent enclencher ce trouble anxieux ?

Plusieurs sons peuvent déclencher la misophonie et ces derniers peuvent changer au cours de la vie du patient. Parmi les bruits les plus courants, ceux qui proviennent de la bouche des autres comme le son de quelqu’un qui ronge ses ongles, qui sirote une boisson, qui avale un aliment mais aussi un raclement de gorge ou le claquement des lèvres. D’autres sons comme les portes de voiture qui claquent, le son d’une page qui se tourne, un reniflement ou le bruit de l’écriture peuvent provoquer ces symptômes d’angoisse parfois invalidants. Les misophones peuvent également être irascibles après avoir entendu des bruits d’oiseaux, de grillons ou d’animaux. Des déclencheurs visuels sont comme le fait de remuer les pieds ou les cheveux et de se frotter le nez provoquent potentiellement ce trouble anxieux et psychologique.

Que ressent une personne misophone ?

Lorsqu’une personne atteinte de ce trouble nerveux perçoit le déclencheur, plusieurs sensations corporelles s’ensuivent. Cela peut aller de la chair de poule jusqu’à une grande nervosité et la durée varie selon l’exposition au son. Ce dernier peut à peine être perceptible pour les autres tandis que cela peut être entêtant pour quelqu’un qui souffre de misophonie. Barron Lerner, médecin et professeur à l’Université de New York, en est atteint et relate son expérience avec cette maladie. « C’est comme si votre sang commençait à bouillir. Il y a beaucoup de sentiments anxieux, comme des battements de cœur et des maux d’estomac », décrit l’expert. Le Dr Marsha Johnson, audiologiste qui étudie cette pathologie depuis plus de 20 ans, explique que les misophones réagissent au son avant même d’être conscients d’y être exposés. « C’est instantané. C’est énorme. Il prend en charge la majeure partie de leur fonctionnement cognitif », souligne-t-elle.

Quelles sont les personnes les plus vulnérables à la misophonie ?

Si pour l’heure la misophonie reste encore méconnue, plusieurs hypothèses scientifiques établissent une corrélation entre ce trouble et d’autres pathologies. Les personnes atteintes de troubles obsessionnels compulsifs, du syndrome de la Tourette et de troubles anxieux pourraient avoir plus de chances de souffrir de cette maladie liée au son. Ceux qui sont atteints d’acouphènes y seraient également plus exposés. Barron Lerner explique qu’il s’agit d’une maladie à part entière qui se chevauche avec d’autres maladies. L’audiologiste précise que souvent, les misophones ont été considérés comme anxieux, phobiques ou atteints d’autres troubles mentaux. Seulement, il s’agit d’une maladie à part entière qui survient généralement entre 9 et 12 ans. Les femmes et ceux qui ont un quotient intellectuel (Q.I) plus élevé ont plus de chances d’en souffrir. Généralement, le son à l’origine de la misophonie peut provenir d’un parent et de nouveaux bruits peuvent causer les symptômes susdits qui troublent le comportement. Cette pathologie est potentiellement d’origine génétique.

Comment traiter la misophonie?

Alors que, pour l’heure, aucun traitement spécifique à la misophonie n’est prescrit, d’autres options peuvent aider à réduire ces symptômes. La thérapie de rééducation des acouphènes, aide les patients à mieux réagir en apprenant à diminuer l’intolérance au bruit. Des réunions entre les proches et la personne atteinte de misophonie sont de rigueur pour mieux comprendre ce trouble et agir en conséquence. « D’après ce que je peux dire après 20 ans à suivre des personnes souffrant de misophonie, la plupart continuent et ont une bonne vie », assure le docteur Johnson qui a suivi l’évolution de nombreux patients atteints de cette pathologie psychiatrique. Ce trouble similaire à la phobie peut être mieux appréhendé en éliminant l’anxiété et en étant à l’écoute de ses sensations.