À la découverte des saveurs du Mexique
Pourriez-vous imaginer la pizza sans tomate, la ratatouille sans poivron ou le cassoulet sans haricots, l’Italie sans polenta, Espelette sans ses piments, la mousse sans chocolat et le riz au lait sans vanille ? Tous ces aliments de base – et bien d’autres, tels les potirons et les avocats – proviennent du Mexique où leur culture trouve son origine.
En effet, même s’il est moins connu que d’autres pays pour sa diversité botanique, le Mexique est pourtant riche d’une incroyable variété végétale. Depuis les milliers d’années qu’il s’y est implanté, l’homme l’a mise à profit pour se nourrir et se soigner. Et nous-mêmes, bien loin de ces contrées exotiques, en profitons au quotidien.
C’est par exemple en plein centre du Mexique qu’est né le maïs, issu d’une graminée sauvage, le teosinte, dont la culture a produit des épis de tailles variables portant des grains d’une incroyable diversité de couleurs allant du bleu au rouge et du jaune au violet. Le plus souvent, ils sont cuits dans de l’eau additionnée de chaux, ce qui permet de dissoudre la cuticule indigeste et de libérer la vitamine PP dont la carence produit la pellagre. Ce procédé, mis au point par les anciens Mexicains, est connu sous le nom de « nixtamalisation ». Les grains cuits sont écrasés – traditionnellement sur une pierre plate – en une pâte épaisse, la masa, qui servira à préparer l’aliment de base, la tortilla. Les haricots noirs constituent l’autre fondement de la cuisine mexicaine, que relève une multitude de sortes de piments gros, petits, plus ou moins forts, mais toujours très savoureux et totalement inconnus en Europe.
Nopales, tunas, pulque et tequila
Jadis les graines d’amaranthe et de sauge formaient des céréales importantes, souvent consommées rituellement. Après avoir été délaissées pendant des siècles, elles font aujourd’hui un retour remarqué dans les magasins bio, les premières souvent incorporées à des barres de céréales, les secondes telles quelles sous le nom de « graines de chia ». À côté des légumes européens qu’importèrent les Espagnols, il faut noter les nopales, jeunes tiges des cactus raquettes que l’on cueille tendres et encore dépourvues d’épines. Croquantes et mucilagineuses, elles sont souvent cuites dans une sauce tomate aromatique. Les cactus forment au Mexique des espèces fruitières appréciées : les tunas se mangent telles quelles et servent à préparer des confitures et des boissons.
Les agaves sont souvent pris pour des cactus, mais appartiennent à une famille botanique très différente. Ce sont eux qui sont à la source de la boisson mexicaine la plus traditionnelle, le pulque, réalisé à partir du jus fermenté de la plante que l’on recueille dans la cavité obtenue en retirant l’énorme pousse qui surplombe l’impressionnante rosette de feuilles épineuses et charnues. D’abord très doux – on en prépare par concentration le « sirop d’agave » –, le suc se charge rapidement en alcool au fil de la journée. On l’apprécie différemment selon les heures. La boisson nationale du pays, largement connue hors de ses frontières, provient également de l’agave. Jadis, les troncs débarrassés de leurs feuilles étaient cuits dans un four souterrain et servaient de nourriture à la population, en particulier dans les déserts où la plante abonde. Très sucrés, ils donnaient après avoir été écrasés avec de l’eau et mis à fermenter un liquide alcoolisé que les colons entreprirent de distiller : ainsi naquit le mezcal dont la version produite autour de la ville de Tequila dans l’État de Jalisco est devenue célèbre dans le monde entier.
Autant de saveurs que de sapotes
Le climat chaud et humide des basses terres du Mexique permet à de nombreux fruits tropicaux d’y pousser. Parmi eux figurent plusieurs sapotes qui appartiennent à différents groupes végétaux. Le plus courant est le sapotiller (Manilkara zapota), petite poire brune à la chair crémeuse et sucrée, à goût de caramel, contenant quelques grosses graines noires et luisantes. Son tronc sécrète un latex récolté sous le nom de chicle qui est à l’origine du chewing-gum. Le sapote blanco (Casimiroa edulis) donne des fruits à pulpe blanc crème à saveur de pêche et de vanille. Ceux du sapote negro (Diospyros nigra), un cousin du kaki, ont une chair noire et épaisse après blettissement – une surmaturation –, que l’on compare à un pudding au chocolat. Le sapote amarillo (Pouteria campechiana) donne des fruits allongés à pulpe jaune vif, très dense et intensément sucrée, qui évoque un biscuit aux œufs. Et ce ne sont que quelques exemples parmi la multiplicité des fruits mexicains…
L’héritage des Aztèques Les plantes connaissent encore d’autres usages dans cet étonnant pays. Nombre d’entre elles possèdent des vertus médicinales, comme le copal (Bursera trifoliolata), dont la résine odorante était utilisée comme encens bien avant la conquête espagnole, et qui sert à traiter les maladies respiratoires. Ces plantes sont connues depuis l’époque précolombienne où les Aztèques les avaient consignées dans des codex parfois illustrés et repris par les prêtres espagnols, tel Fray Bernardino de Sahagún (Historia general de las cosas de la Nueva España). Elles seraient évidemment trop nombreuses à citer, mais nous pouvons mentionner la chaya (Cnidoscolus chayamansa), un analgésique puissant et réputé sans effets secondaires, le chinahuatillo (Acalypha alopecuroides), utilisé contre l’asthme et les blessures, le guajilote (Parmentiera aculeata), dont l’écorce permet de prévenir les calculs urinaires, le cuachalalate (Amphipterygium adstringens), utilisé contre les infections, etc.
Plusieurs végétaux produisent aussi des fibres utilisées à des fins artisanales et industrielles. Le plus connu est le sisal (Agave sisalana), un cousin de l’agave dont on extrait la tequila.
Si certaines plantes mexicaines nous sont devenues familières – et même pour plusieurs d’entre elles indispensables –, bien d’autres nous restent encore largement méconnues. Les découvrir peut contribuer à augmenter notre appréciation de la vie, et cela ne tient qu’à nous.
Avez-vous déjà goûté le « thé du Mexique » ?
Longtemps classée parmi les chénopodes, la Dysphania ambrosioides en reste une cousine. Elle ressemble beaucoup à ces « mauvaises herbes » communes de nos jardins que l’on consomme comme des épinards, mais s’en distingue par son odeur camphrée pénétrante. Sous le nom local d’epazote, c’est l’un des condiments les plus répandus au Mexique, où son usage remonte à l’époque précolombienne. On l’apprécie particulièrement avec les haricots noirs, frijoles, dont elle facilite la digestion. Connue comme « thé du Mexique », elle était jadis réputée comme vermifuge.
Enfin, parmi les condiments mexicains inhabituels figure l’anisillo (Tagetes lucida). Malgré sa saveur anisée, il s’agit d’une proche parente des œillets d’Inde de nos jardins. Les Aztèques, qui la nommaient yauthli, en aromatisaient la boisson qu’ils préparaient à partir des fèves de cacao et qui a donné notre chocolat. Aujourd’hui, elle aromatise les soupes et les sauces. Sa tisane sert à soigner les refroidissements et favorise la digestion.
Dans le Top 5 !
Quatre fois plus grand que la France et deux fois plus peuplé, le Mexique s’étage en altitude du niveau de la mer au pic d’Orizaba qui culmine à près de 6 000 m, ce qui engendre des climats très variés et permet d’observer de nombreux types de végétation. La forêt tropicale humide borde le golfe du Mexique et la côte pacifique au sud, de vastes déserts couverts de cactus s’étendent dans le nord du pays, tandis que des chênaies mêlées d’autres feuillus, suivies de pinèdes d’altitude, s’étagent au flanc des montagnes. Selon les estimations, le Mexique héberge 10 à 12 % de l’ensemble de la biodiversité mondiale. On estime que plus de 26 000 espèces végétales y vivent – deux fois plus que dans toute l’Europe –, ce qui en fait le quatrième pays au monde pour la variété de la flore. Près d’un dixième du pays est constitué de réserves naturelles, mais la surexploitation forestière provoque d’immenses dégâts dans le pays.