Ce que vous devez savoir sur le Nutri-Score

Publié le 18 août 2022
MAJ le 14 novembre 2024

Après 40 ans de lutte, le professeur Serge Hercberg a contribué à développer la nutrition et l’épidémiologie nutritionnelle comme disciplines. Un combat qu’il décrit dans son livre Mange et tais-toi. On lui doit, entre autres, le Nutri-Score.

Médecin et chercheur en épidémiologie nutritionnelle, enseignant à l’Université Sorbonne Paris-Nord, Serge Hercberg a également dirigé pendant 20 ans l’unité de recherche en épidémiologie nutritionnelle Inserm/Inrae/ CNAM/Université Paris 13. Il a piloté les premières grandes études épidémiologiques comme SU.VI.MAX, puis NutriNet-Santé. Pour le ministère de la Santé, il a présidé le PNNS, Programme National nutrition santé. Il a créé le premier enseignement « Nutrition et Santé publique ». Lutter contre la junkfood (malbouffe), exiger la transparence sur la qualité nutritionnelle des aliments nous paraissent des évidences. Elles ne l’étaient pas lorsque le médecin a débuté sa carrière. L’un des combats, gagné, le plus féroce qui lui ait été opposé concerne Nutri-Score dont nous voyons tous le logo à 5 couleurs dans les linéaires des grandes surfaces. Des études scientifiques et la ténacité de son équipe ont eu raison des industriels et politiques, les premiers circonvenant les seconds.

code nutri score sur un aliment

Code Nutri-Score sur un aliment – Source : spm

Seuls les produits industriels sont visés

Comment a-t-il fait pour ne pas baisser les bras ? « J’avais pour moi une équipe soudée et la conscience de réaliser un travail utile à la santé publique. » Cerise sur le gâteau, Nutri-Score n’a pas eu besoin d’être obligatoire, les industriels, de Nestlé à Carrefour, de Fleury-Michon à Danone ou Intermarché, Auchan ou Leclerc et bien d’autres, au départ opposés, se sont sentis obligés de l’adopter. Quant aux récalcitrants, Serge Hercberg ne se prive pas de les citer. Comme Matteo Salvini, l’eurosceptique italien, qui accuse Nutri-Score de tuer l’alimentation méditerranéenne. Un comble puisque le logo est en totale cohérence avec ce modèle et s’attache plutôt à défendre fruits et légumes ! Et Nutri-Score ne vise que les produits industriels. Si la liste des nutriments et ingrédients est mentionnée sur les conditionnements, elle est incompréhensible pour la majorité des consommateurs. Nutri-Score la simplifie.

Des victoires à l’arraché

Avoir fait interdire dans les écoles, les distributeurs automatiques vendant des snacks et autres friandises, c’est une victoire de l’équipe ! Le bandeau « 5 fruits et légumes par jour », une injonction paradoxale, puisqu’au-dessus est vanté un produit plutôt nocif, ce bandeau est aussi dû à l’équipe. Celle-ci aurait préféré interdire ces publicités. Elle a eu contre elle, les médias, l’agro-alimentaire, les ministères de l’agriculture et de l’économie.

code nutriscore

Code nutri-Score – Source : spm

Nutri-Score ou la guerre des cinq couleurs

En ce mois de mars 2014 l’épidémiologiste doit affronter le Conseil national de l’Alimentation (CNA) et présenter son rapport avec 15 mesures pour relancer la politique nutritionnelle de santé publique en France. Et parmi ces mesures, le logo cinq couleurs qui deviendra le Nutri-Score. Le nutritionniste décrit les bases scientifiques sur lesquelles repose son futur logo. La ministre de la santé Marisol Touraine est gagnée à sa cause. Il a pourtant ce jour-là face à lui, pas seulement le CNA mais des représentants industriels, syndicalistes et ministériels, et les régions. Les invectives fusent. « C’est la mort du terroir, la fin des exportations, des milliers d’emplois perdus. » « Ce projet est liberticide, stigmatisant. » Les médias en rajoutent lorsqu’il propose d’interdire la publicité pour la junk-food. « Dix-neuf chaînes dédiées aux enfants vont mourir… Vous assassinez la création française ! » Il n’est pas question d’interdire, juste de proposer un meilleur équilibre. Et les produits bruts ne sont pas concernés.

Conseiller sans imposer

Choisir, entre différentes pizzas, la moins grasse, la moins salée, entre plusieurs gâteaux, le moins riche en sucres, limiter les dégâts. Rien de plus. Pourtant, excepté les associations de consommateurs, c’est l’hallali. Les lobbys promettent de produire leurs contre statistiques. L’ennemi n°1 du professeur : l’ANIA, l’Association Nationale des industries alimentaires avec ses 17 600 entreprises, et 430 000 emplois.

Les syndicats de la viande, de la charcuterie, du sucre, du sel, des céréales du petit déjeuner, des jus de fruits, etc., la liste des attaquants est aussi stupéfiante que leur mauvaise foi. « Interdire les sodas dans les écoles ? Un scandale ! Les enfants ont besoin d’être réhydratés. » Nutri-Score a fini par l’emporter, et a été adopté dans plusieurs pays. 815 entreprises françaises l’appliquent, couvrant 57 % du marché alimentaire de l’hexagone.

des produits bio

Des produits BIO – Source : spm

Après le Nutri-Score, aller plus loin

Aujourd’hui le bio est recherché, les additifs et les pesticides bannis. Dépassé le Nutri-Score qui n’en tient pas compte ? « Le Nutri-Score n’a jamais prétendu tout régler à lui tout seul, répond le professeur Hercberg.

La preuve c’est qu’il s’ajoute au logo du bio, et un bandeau noir pourrait permettre de reconnaître les aliments industriels ultra-transformés. La réglementation européenne exonère les productions artisanales non préemballées, le saucisson ardéchois, le foie gras du Sud-Ouest ou les rillettes du Mans des petits producteurs que Stéphane Le Foll, son maire, nous accusait de vouloir éliminer. Nous avons démontré que tout ne reposait pas sur la responsabilité du consommateur, ce qu’a voulu faire croire le lobby alimentaire, s’exonérant de toute accusation. Si la transparence nutritionnelle se fait plus présente sur les emballages des aliments, notre combat n’aura pas été vain. »