L’amaranthe, ce merveilleux cadeau de la nature
Même si vous ne le saviez pas encore, les amaranthes sont l’un des plus merveilleux cadeaux de la nature. Les jeunes pousses, les feuilles, les graines... tout est bon dans ces «mauvaises herbes » qui poussent en abondance pour nous faire découvrir leur agréable saveur et leurs bienfaits nutritionnels.
Commençons par un point de sémantique et d’orthographe. Le Robert écrit «amarante», sans «h», tandis que les botanistes ajoutent ce dernier : «amaranthe». Si l’on en connaît l’étymologie, on sera tenté de donner raison au premier : le grec amarantos signifie «qui ne flétrit pas» (de marainô, consumer) et s’applique à des plantes dont les fleurs – ou ce qui paraît comme tel – gardent longtemps leur aspect épanoui. Elles sont donc symbole d’immortalité… Mais Linné (le célèbre naturaliste ayant établi un système de nomenclature il y a plus de 200 ans), qui a nommé le genre Amaranthus, a souhaité faire le rapprochement avec anthos, la fleur : une sorte de plaisanterie botanique qui personnellement me plaît bien. Je parlerai donc des amaranthes. Je mets à dessein le mot au pluriel, car il s’agit d’un vaste genre d’une soixantaine d’espèces, cousines des épinards, bettes, salicornes et autres chénopodes au sein de la famille éminemment comestible des Amaranthacées.
Notons qu’«amarante» désigne également une couleur rouge foncé qui est celle des inflorescences de l’amaranthe queue-de-renard (Amaranthus caudatus). On a de ce fait donné ce nom à certaines espèces d’arbres du genre Peltogyne, de la famille des Fabacées (cousins des haricots et des pois) originaires d’Amérique du Sud, dont le bois de cœur est d’un beau rouge violacé. On les nomme en anglais purplewood ou amaranth. Ce dernier terme désigne semblablement la couleur et les amaranthes (donc toujours avec un «h» dans la langue de Shakespeare).
Origines
On dit les amaranthes cosmopolites. La plupart des espèces viennent d’Amérique et quelques-unes d’Asie ou de la région méditerranéenne. Parmi ces dernières, l’amaranthe blite (Amaranthus blitum) était cultivée dans l’Antiquité pour ses feuilles qui formaient un légume apprécié. Mais il est passé de mode et seul le nom est resté : c’est pour cela que l’on appelle «blettes» dans le Midi les feuilles de bette (Beta vulgaris). Autrement dit, bette + blite = blette. Et aux Antilles ou à la Réunion, on parle de «brèdes» pour désigner toutes sortes de légumes-feuilles ou pousses : ce nom a la même origine.
Les amaranthes sont consommées en abondance en Asie orientale et en Inde, qu’elles soient cultivées ou récoltées comme «mauvaises herbes» dans les jardins ou les champs, attitude nettement plus intelligente que celle qui consiste à mettre ces plantes au compost pour… cultiver des épinards ! Parmi les premières, on rencontre fréquemment sur les marchés l’amaranthe tricolore (Amaranthus tricolor) qui arrête l’œil par ses feuilles panachées, vertes, jaunes et roses ou violette. L’Amaranthus gangeticus est, elle, toute verte, mais pour certains botanistes, il s’agirait de la même es[1]pèce. L’Amaranthus dubius et l’Amaranthus spinosus sont elles plutôt rudérales (plantes des décombres, qui poussent toutes seules sans en avoir demandé l’autorisation aux propriétaires du terrain…). Cela n’empêche pas leur popularité auprès des gens qui s’en nourrissent et la première espèce est connue sous le nom d’«épinard chinois». Toujours ces épinards (Spinacia oleracea), originaires d’Iran, qui ont été rapportés par les Croisés et, valorisés de ce fait, ont supplanté une multitude de plantes sauvages aux feuilles comestibles, réduisant ainsi grandement la diversité du contenu des assiettes européennes. En effet, tout ce qui vient d’ailleurs et tout ce que l’homme a transformé a eu, pendant des siècles, beaucoup plus de valeur que ce que nous offre gratuitement la nature. Mais nos mentalités peuvent changer : c’est pour cela que la réhabilitation des plantes sauvages revêt une telle importance, car elle nous met en mouvement…
La plupart des espèces d’amaranthes semblent originaires d’Amérique. Et sur ce continent, on en utilisait particulièrement les graines, riches en glucides et en protides, sans pour autant en négliger les feuilles, sources d’un remarquable cocktail de protéines complètes, équilibrées en acides aminés essentiels, de vitamines, de sels minéraux, d’oligo-éléments, de flavonoïdes et autres antioxydants. Elles renferment toutefois d’importantes quantités d’oxalates qui rendent préférable d’en éviter la surconsommation.
Amaranthus caudatus, Amaranthus cruentus, et Amaranthus hypochondriacus étaient cultivées comme céréales par les peuples de la Méso-Amérique (Amérique centrale). La première l’est aujourd’hui couramment en Europe comme plante ornementale pour ses longues inflorescences en épis rouges sombres. Elle produit une abondance de jolies petites graines roses, rondes et aplaties, qui donnent, lorsqu’on les cuit à l’eau, une bouillie savoureuse et nutritive. Elles tenaient une p&art importante dans les rituels religieux des Aztèques qui consistaient à égorger cérémoniellement chaque jour des hommes et des femmes pour en offrir le cœur au dieu du soleil qui promettait en échange de revenir le matin suivant : et ça marchait ! Les graines étaient moulues en une farine que l’on mêlait au sang des victimes pour confectionner des statuettes votives. Voyant cela, les Conquistadores, dont la délicatesse et la sensibilité sont légendaires, interdirent ces pratiques barbares et bannirent carrément la culture de cette bonne amaranthe (sous peine de mort, bien sûr…). Aujourd’hui, les amaranthes sont de nouveau cultivées pour leurs graines, que l’on pare de toutes les vertus (il faut bien vendre…), afin d’en préparer des aliments pour le petit déjeuner, des barres de céréales etc. On peut les manger telles quelles, simplement cuites à l’eau, ou comme du pop-corn car les graines de certaines espèces éclatent dans la poêle.
Les amaranthes sont également présentes en Europe, sous forme de plusieurs espèces d’adventices (c’est la façon polie de parler des «mauvaises herbes») dont les plus courantes sont les amaranthe réfléchie (Amaranthus retroflexus), amaranthe blanche (Amaranthus albus), amaranthe hybride (Amaranthus hybridus), Amaranthus deflexus et Amaranthus graecizans (désolé, il n’y a pas toujours de noms français pour les plantes et je trouve ridicule de se forcer à traduire systématiquement les noms latins). Lorsqu’elles sont jeunes, leurs feuilles sont excellentes. On les mange crues en salade ou cuites de toutes les façons auxquelles on pourrait soumettre les épinards. L’amaranthe réfléchie avait d’ailleurs été introduite en son temps comme légume, mais elle n’a pas percé… et se contente de nous envahir, faisant râler les jardiniers ignorants. J’apprécie son agréable saveur, discrète, mais bien présente et c’est pour moi l’une des meilleures plantes sauvages. Je vous souhaite de la découvrir.
Pour identifier les amaranthes
Les amaranthes de nos régions se rencontrent communément, et souvent en abondance, dans les jardins et les champs, dans les terrains vagues et les décombres. Ce sont des plantes annuelles à tige dressée portant des feuilles souvent assez larges, ovales ou en forme de losange, et de minuscules fleurs vertes groupées en épis plus ou moins allongés au sommet des rameaux. Elles ne présentent pas de caractéristiques particulières, ne font pas de fleurs joliment colorées et passent remarquablement inaperçues… Dommage !
Cheera thoran
Recette pour quatre personnes :
- 500 g de feuilles d’amaranthe
- 2 c. à s. d’huile
- 1 c. à s. de riz blanc
- 1 c. à c. de graines de moutarde
- 1 c. à c. de grains de cumin
- quelques feuilles de curry (elles s’achètent dans les épiceries indiennes)
- 2 petits piments rouges
- 1 c. à c. de curcuma en poudre
- 2 petits piments verts
- 100 g de noix de coco râpée
- sel
Préparation :
- Coupez l’amaranthe en morceaux.
- Faites chauffer l’huile dans une sauteuse et ajoutez le riz, les graines de moutarde, le cumin, les feuilles de curry et les piments rouges. Remuez bien.
- Ajoutez l’amaranthe, la poudre de curcuma et un peu de sel. Remuez bien.
- Écrasez le piment vert et mélangez à la noix de coco, puis versez dans les légumes quand ces derniers sont bien cuits. Faites cuire encore quelques minutes à feu doux en remuant.
- Servez avec du riz blanc. Ce plat est traditionnel en Inde, en particulier dans le Kerala. On aime utiliser l’amaranthe tricolore qui lui confère une jolie couleur. La plante est nommée cheera.