Comment remédier au bruxisme ?
Souvent remarqué par celui qui partage les nuits du « bruxeur », le bruxisme n’a rien d’anecdotique. Alors oui, ça frotte, ça bruisse, ça serre, mais est-ce grave docteur ? Et surtout, que peut-on y faire ?
Ce réflexe inconscient déclenchant un frottement et un serrement des mâchoires peut nuire gravement à la santé dentaire et provoquer de nombreux effets indésirables. Pourquoi grince-ton des dents et comment y remédier ?
Pour nous éclairer sur ce phénomène, dont on pressent d’emblée qu’il a un lien avec le corps et aussi avec le mental, nous avons interrogé le docteur Benjamin Calinski, docteur en chirurgie dentaire à Paris, diplômé d’un Master en chirurgie orale, implantologie et parodontologie.
Le bruxisme, c’est quoi ?
Première idée préconçue, ce que l’on pensait être une activité inconsciente nocturne se révèle aussi diurne. Le bruxisme a même été officiellement défini en 2013. « En effet, en 2013, un consensus international a été obtenu sur une définition simple et pragmatique du bruxisme comme une activité musculaire masticatoire répétitive qui se caractérise par un serrement ou un grincement des dents. Il est possible de bruxer la journée (bruxisme de l’éveil), ou en dormant (bruxisme du sommeil). Le bruxisme peut être qualifié de primaire (idiopathique sans cause médicale) ou secondaire, associé à des troubles neuropathiques, à la consommation de drogues ou de médicaments. »
Vous avez dit « axe hypothalamo-hypophysosurrénalien » ?
Cet axe relie le système nerveux central et le système endocrinien. En mettant en interaction l’hypothalamus, l’hypophyse et les glandes surrénales, qui elles sont situées au-dessus des reins, il contrôle directement les réponses au stress. En agissant sur cet axe, les différentes pratiques relaxantes atténuent le stress et impactent significativement le bruxisme.
Y-a-t-il un profil type des patients qui en sont atteints ?
Deuxième idée préconçue, cette pathologie serait liée au stress. Sauf que là, l’intuition est juste, comme le confirme le docteur Benjamin Calinski. « L’étiologie du bruxisme est encore méconnue à ce jour mais la littérature scientifique affirme qu’aujourd’hui le stress et l’anxiété sont des facteurs de risque. Le profil type des patients atteints de bruxisme peut aller d’une personne en parfaite santé, à des patients atteints de troubles mentaux. Le bruxisme concerne aussi bien les adultes que les enfants. Une étude brésilienne a démontré que la santé mentale chez les enfants a joué un rôle crucial dans l’apparition du bruxisme.
Chez nombre d’entre eux, les chocs émotionnels, certains traumatismes, en seraient la cause. Les patients faisant de l’apnée du sommeil peuvent également être des personnes à risque. Il est alors conseillé d’aller consulter un ORL car le bruxisme chez ce groupe spécifique de patients peut être considéré comme une attitude protectrice durant le sommeil. Mais, dans tous les cas, cela peut toujours avoir des conséquences sur la dentition. »
Y a-t-il du nouveau concernant les traitements ?
La troisième idée préconçue serait que les solutions proposées par les experts se cantonnent à la pose d’une gouttière. Or, ouverture à d’autres réponses thérapeutiques oblige, les dentistes ont de plus en plus tendance à prendre en compte la dimension psychologique du bruxisme. « Le traitement est associé à la sévérité du bruxisme et aux conséquences que cela provoque chez le patient. À savoir des maux de têtes, des douleurs à la mâchoire dues à l’hyperactivité du muscle masséter et du muscle temporal entre autres. Les dents sont abimées par attrition ou abrasion, entraînant alors des dents limées ou des lésions non carieuses au niveau du collet de la dent, pouvant provoquer des sensibilités. L’usure constante des dents peut aussi entrainer une désadaptation de l’occlusion et dans certains cas un changement du profil facial en rapport à la perte de hauteur des dents. Les traitements impliquent alors des stratégies comportementales notamment le biofeedback, la relaxation et l’amélioration de l’hygiène du sommeil. »
Protéger le capital dentaire
« L’administration de toxine botulique (Botox) au niveau des muscles masticateurs semble réduire la fréquence du bruxisme, mais des inquiétudes ont été soulevées concernant d’éventuels effets indésirables. La gouttière Michigan, en plastique rigide transparent, est une alternative fiable pour alléger l’occlusion et donc l’hyperactivité musculaire. Elle a également pour but de ne pas abimer les dents. Elle est contre-indiquée chez les enfants et les adolescents car il faut attendre la fin de la croissance maxillaire/mandibulaire qui se termine à l’issue de l’adolescence. Pour les patients atteints de bruxisme sévère présentant des dents extrêmement abimées, il peut être conseillé de planifier de manière personnalisée une réhabilitation prothétique afin de retrouver une occlusion saine. Il n’existe pas de traitement aujourd’hui pour stopper définitivement ce phénomène. »
Une dimension psychologique
De quelle manière le dentiste prend-il en compte la dimension psychologique du bruxisme (stress, anxiété, éventuellement traumatismes) ? Comme évoqué dans l’idée préconçue, la réponse mécanique par le recours aux gouttières, n’est plus le seul axe thérapeutique. « En effet, le dentiste se doit de prendre conscience du contexte psychologique du patient. La plupart des patients souffrant de stress ou atteints de troubles psychologiques sont, en première intention, pris en charge par des médecins en lien avec le trouble. Le dentiste, lui, intervient en parallèle afin de limiter la détérioration des dents. »
Stress, bruxisme, un cercle vicieux qui se nourrit naturellement ?
Il est aisé de penser que la détérioration de la dentition pourrait renforcer l’état d’anxiété ou la perte de confiance et d’estime de soi de la personne. Un cercle vicieux s’installe alors. « En effet, si un patient est atteint de bruxisme, et selon l’intensité du trouble et le niveau de détérioration de ses dents, le dentiste jugera s’il est nécessaire de l’orienter vers un psychothérapeute, un neuropathe, un sophrologue ou encore un hypnothérapeute. Toute pratique permettant par la relaxation d’atténuer le stress quotidien. Ces séances devront être régulières afin d’être efficaces.
Les pratiques de relaxation incluant le Yoga semblent être associées à une meilleure régulation du système nerveux sympathique et du système hypothalamo-hypophyso-surrénalien (lire encadré). Donc, en conclusion, un patient bruxomane doit être soigné chez un dentiste pour toutes les multiples conséquences que cela provoque sur les dents, et pourrait pratiquer le Yoga, ou d’autres disciplines relaxantes, afin de réduire significativement le stress. » En effet, comprendre et traiter la cause, qui peut prendre sa source dans la toute petite enfance, puis, ou en parallèle, traiter les conséquences du bruxisme, c’est bien la voie thérapeutique actuelle et elle donne les résultats les plus satisfaisants.