Une étude confirme les effets cancérigènes des radiofréquences émises par les téléphones portables

Publié le 31 août 2018

C’est prouvé. Il existerait un lien entre les radiations des téléphones mobiles et l’apparition du cancer. Des scientifiques appellent en effet le Centre International de Recherche sur le Cancer - agence intergouvernementale créée par l’OMS - à réévaluer les effets néfastes des ondes électromagnétiques issues de l’utilisation des cellulaires.

Une vaste étude menée par la fondation européenne Ramazzini, un institut italien privé de recherche en cancérologie, a démontré qu’il existe des preuves évidentes sur les effets des rayonnements des téléphones portables sur le développement du cancer à partir d’expériences menées sur des rats de laboratoire, selon une publication datant de mars 2018. L’institut Ramazzini a même signalé une augmentation des cas de tumeurs malignes sur des cellules du système nerveux (les gliales) sur des femelles du groupe d’expérimentation.

Ces résultats font écho à une étude similaire du National Toxicology Programme (NTP), pilotée par le département de la Santé aux États-Unis, qui a publié une première série de résultats en 2016, et a convergé vers les mêmes conclusions, en démontrant que des rats mâles longuement exposés aux radiations cellulaires ont développé un neurinome du coeur, une tumeur cardiaque bénigne plus rare. D’autres conclusions sont attendues à l’automne 2018. Cette étude à grande échelle menée par le National Institutes of Health, l’une des plus importantes institutions gouvernementales aux USA, sur les risques de cancer induits par les radiofréquences, offrent déjà des résultats concluants car, comme l’affirme Philippe Vernier, Directeur de Recherche au Centre national de la recherche scientifique, « l’indépendance de cette institution vis à vis des lobbys industriels ainsi que la rigueur de la méthodologie employée confèrent une réelle crédibilité à cette étude ».

Fiorella Belpoggi, auteure de la récente étude en question et Directrice de l’Institut Ramazzini de recherche sur le cancer affirme, dans un article du quotidien italien Corriere Di Bologna, que « les résultats sur le lien entre les tumeurs cancéreuses et l’exposition prolongée de rats à différents niveaux de radio fréquences confirment et renforcent les conclusions préalablement publiées par le NTP sur les effets des ondes de téléphones mobiles, puisque les deux études convergent sur une augmentation des cas de tumeurs cérébrales sur des rats de laboratoires. Combinées, ces études offrent suffisamment d’indications pour appeler le Centre international de recherche sur le cancer à réévaluer et re-classifier les risques cancérigènes potentiels des radiations sur l’homme». L’expérience a porté sur 2448 rats de laboratoire, de leur vie prénatale à leur mort naturel, dans un environnement les exposant à des ondes cellulaires à hauteur de 19 heures par jour, reproduisant des émissions de radio fréquences similaires à celles émises par les antennes relais de téléphonie.

« Cette étude menée par une institution dont la crédibilité n’est pas à remettre en cause a révélé des découvertes majeures indiquant qu’il y a de fortes raisons de s’inquiéter des effets secondaires des ondes électromagnétiques émises par les stations de base » ajoute

le docteur Jose Domingo rédacteur en chef de l’Environnemental Research et professeur de toxicologie dans une université espagnole.

Le renommé Professeur de science de santé environnementale David O. Carpenter (Université d’Albany, Etat de NY) diplômé de l’université d’Harvard, insiste: « cette étude met en lumière des risques de santé publique notamment sur le danger de vivre proche d’une station de base. Les gouvernements ont la nécessité de prendre des mesures afin de réduire l’exposition aux antennes relais, qui devraient être éloignés des écoles, des hôpitaux et des lieux d’habitations. Les agences de santé publique ont également un rôle à jouer en informant le public sur les moyens visant à réduire l’exposition à toutes sources de radiations, des ondes magnétiques émises par les antennes relais, aux radio fréquences émises par les téléphones portables ou par les bornes Wifi. La question est particulièrement urgente aujourd’hui à l’heure où il est prévu de construire des stations de base 5G tous les 300m dans de nombreuses villes aux Etats Unis. Ces petites antennes conduiront ainsi à une exposition continue aux radiofréquences, ayant pour cause d’accroître sensiblement le risque de cancer ». Les gouvernements ont ainsi un devoir de renforcer les réglementations afin de « protéger les utilisateurs de ces expositions non- thermiques » s’alarme le Docteur Ronald Melnick, ancien toxicologue au National Institue of Health ayant piloté les travaux sur le lien entre cancer et téléphonie mobile.

Les études menées indépendamment par l’institut Ramazzani et par le NTP révèlent une augmentation considérable des cas de tumeurs malignes observés sur les rats des expériences respectives.
En Janvier 2017, lors d’une conférence internationale organisée par l’Environmental Health Trust (EHT) et l’Institut israélien d’études avancées de Jérusalem, Fiorella Belpoggi de l’Institut Ramazzini, présentait les résultats mentionnés plus haut sur le lien entre l’apparition de cancer chez les rats et les radio fréquences (présentation disponible ici) en insistant sur les recommandations de l’étude pour une «une vigilance accrue pour les enfants et les femmes enceintes ».

Le Président de l’agence de santé environnementale EHT Devra Davis rappelle que « les valeurs limites d’exposition aux ondes ont été établies à l’époque où l’utilisation des téléphones étaient peu fréquente, mais à la lumière des résultats concordants des différentes études, l’agence EHT rejoint en effet les experts de santé publique de l’Etat de Californie, la France, Israel et la Belgique, pour en appeler les gouvernements et le secteur privé sur l’urgence de promouvoir des mesures pour protéger la santé des populations. Ces mesures incluent des campagnes de sensibilisation pour une utilisation plus responsable des appareils électromagnétiques, un meilleur déploiement des stations relais et infrastructure de réseau visant à réduire la surexposition aux radio fréquences, et la mise en place de mesures de précautions et de prévention liées aux risques connus à ce jour ». Le Département de Santé de Californie a d’ailleurs récemment (14 décembre 2017) publié un communiqué de presse reconnaissant officiellement les risques de santé publique des téléphones mobiles et a adressé une liste de recommandations aux utilisateurs pour se protéger des risques de radio fréquences:

  • Garder son téléphone portable à distance de son corps, et jamais dans la poche du pantalon ou dans le soutien-gorge;
  • Réduire l’usage du téléphone quand le signal est faible ;
  • Réduire l’usage du téléphone quand on l’utilise en streaming pour regarder de la vidéo ou de la musique, ou quand on télécharge des documents numériquement lourds ;
  • Laisser le téléphone en dehors du lit la nuit ;
  • Retirer les écouteurs du téléphone et de les retirer des oreilles quand on ne téléphone pas, car ils transmettent les ondes ;
  • Eviter les produits qui sont censés protéger des ondes de radio fréquence et qui peuvent en réalité augmenter l’exposition à ces ondes.

La santé des utilisateurs de smartphones est ainsi gravement mise en danger. Même en France on s’inquiète du problème. C’est ce qu’explique Annie J. Sasco, ancienne Directrice de l’Unité d’Epidémiologie pour la Prévention du Cancer au Centre International de Recherche sur le Cancer (CIRC), attachée à l’Organisation Mondiale de la Santé: «cette publication confirme les effets néfastes pour la santé […] bien que l’expérience n’ait portée que sur un échantillon assez faible. Les résultats n’en sont pas moins concluants et ne devraient être ignorés. […] En mai 2011, le CIRC classifiait l’exposition aux champs électromagnétiques comme un cancérogène possible. Depuis de nouvelles études se sont accumulées, épidémiologiques, mais aussi expérimentales. Et ces études ont confirmé ce caractère cancérigène ».

Suite à la revue de l’étude menée par le NTP le 28 mars dernier auquel le Dr Annie J. Sasco a participé aux côtés d’un panel d’experts, elle déclare: « Il est maintenant plus que jamais temps d’agir pour protéger la santé des populations et en particulier des plus vulnérables ».

Le Dr Devra Davis qui a également participé à cette revue, ajoutera, concernant les risques spécifiques pour les enfants et les jeunes : « Mes recherches et les travaux de dizaines d’autres scientifiques montrent que le sperme est endommagé par le rayonnement des téléphones mobiles. La clinique de Cleveland conseille aux hommes qui veulent devenir pères de sortir le téléphone de leur poche ».

Aujourd’hui, plus d’une douzaine de pays recommandent en effet de réduire l’exposition des radio fréquences notamment aux enfants, et des pays comme la Chine, l’Italie et l’Inde ont des réglementations plus strictes sur la sécurité des radio fréquences que celles en vigueur aux Etats-Unis.

Ces conclusions sont pour le moins inquiétantes, et démontrent, une fois de plus, comment la science peut s’avérer parfois être dangereuse pour l’homme.