Pourquoi le citron ne guérit pas le cancer ?

Publié le 13 janvier 2015
MAJ le 19 novembre 2024

La rumeur bat son plein sur le web : le citron serait le remède ultime contre le cancer,
« 10.000 fois plus puissant que la chimiothérapie ». Quoi qu’en dise le message en circulation, il serait surprenant que les cancérologues n’en soient pas informés.

L’avis du médecin

Nous avons donc demandé l’avis du docteur Françoise May-Levin, conseiller médical à la Ligue contre le cancer, son verdict est sans appel : « Le citron, on le sait est riche en vitamine C, supposée avoir une action antitumorale. Mais actuellement, en médecine, on ne se contente pas de supposition : la médecine doit être basée sur des preuves, apportées par des arguments expérimentaux, en laboratoire, mais aussi sur des personnes : ce sont les essais, essais de tolérance (phase I) essais d’efficacité (phase II) et enfin comparaison avec les traitements référentiels tels que la chimiothérapie citée dans le message. Or, aucune preuve ne vient étayer l’activité du citron dans le cancer. Il serait donc très dangereux d’inciter des malades à préférer le citron aux traitements classiques. » Ajoutons que l’actualité s’est déjà chargée de lui donner raison.

D’ou vient ce conseil ?

Et pourtant, le message invoque la caution de « l’Institut de Sciences de la Santé de Baltimore ». Certes, mais un simple tour sur le site de ce mystérieux Health Sciences Institute dédié aux médecines alternatives suffit pour juger de sa fiabilité. Sa directrice, une certaine Jenny Thompson, n’a pas la moindre formation médicale, comme son CV le prouve. Et son site vous conseille par exemple d’acheter un livre qui vous permettra de guérir du cancer, au moyen d’une soi-disante révélation étouffée par les laboratoires pharmaceutiques : le cancer est un microbe, si, si ! Et bien sûr, il vous déconseille aussi formellement la chimothérapie. Tout en vous prévenant gentiment que « les informations fournies sur ce site ne doivent pas être interprétées comme des conseils médicaux personnels », ben voyons.

Leur article sur les bienfaits des agrumes (citrus fruits ayant été naïvement traduit par citron dans la version francophone en circulation) fait quand même référence à une étude du très sérieux CSIRO – le CNRS australien.

Sauf que les chercheurs du CSIRO sont loin d’arriver aux mêmes conclusions que le message ! Non, ils ont simplement examiné des études sur le sujet, et constaté que 69 % d’entre elles « démontrent un effet préventif statistiquement significatif contre certains types de cancers de la consommation d’agrumes », effet sans doute lié au fait que les agrumes ont « l’activité antioxydante la plus élevée de toutes les sortes de fruits ». Ainsi, la réduction du risque observée atteint 50 % pour les cancers des voies digestives.

Autrement dit, vous pouvez espérer voir diminuer vos chances d’avoir un cancer de l’estomac en consommant des agrumes, mais une fois que la maladie est là, les fruits ne pourront rien pour vous, et il vaudra mieux vous en remettre aux traitements éprouvés comme la chimiothérapie plutôt qu’à des régimes de charlatan – c’était déjà le conseil du docteur Françoise May-Levin.

Conclusion

Il suffit d’une étude lue en diagonale, une ou deux erreurs de traduction, une bonne dose d’exagération, un soupçon de conspirationnisme, une rondelle de citron. On remue le tout, on sert bien frais : et voilà un cocktail détonnant de mauvaise foi à l’acidité éprouvée.